Le Sourire du Scribe, 36

Publié le par Louis Racine

Le Sourire du Scribe, 36

Je revivais ma première soirée aux Sycomores. Et, tandis que nous nous bousculions dans l’escalier, j’imaginais le pire. Estelle, mon amour ! Je l’eusse clamé sans retenue.

Quelque chose pourtant me retint, et ce fut tant mieux, car nous trouvâmes la jeune fille vautrée par le sommeil dans une fleur de draps blancs.

– Fausse alerte, chuchota Jacques.

– ... Elle dort paisiblement, complétai-je in petto. C’est Bouyou qui m’avait initié à l’univers hergéen. Songeant, donc, au malheureux Bergamotte, je voulus me rassurer tout à fait.

– Elle a le sommeil lourd, dis-je comme Georges refermait doucement la porte. Il haussa les épaules.

– Rien d’étonnant, avec ce qu’elle a pris. Cette petite ne dort pas assez. Je lui ai administré une bonne dose de valium.

Il ajouta, assez fort pour que tous en profitassent :

– Mais il valait mieux monter. On ne sait jamais, avec un hôte de votre espèce.

Ursule, qui atteignait le bas de l’escalier, se retourna vivement :

– Georges, tu es odieux. Louis n’a rien fait pour mériter cette animosité.

Ce fut proféré d’un ton qui ne souffrait pas de réplique. Georges alors m’empoigna le bras, me forçant à descendre à son pas, et murmurant :

– Rien fait, c’est vite dit ; oiseau de malheur !

 

*    *    *

 

J’avais peu d’espoir que notre expédition au garage nous apprît rien de nouveau. Même en plein jour, il eût été impossible de relever des traces précises sur le gravier. Mais nous trouvâmes le portillon entrouvert. L’inconnu avait dû fuir par là. À la lueur de lampes torches, nous cherchâmes des empreintes sur la terre souple du sentier, en vain.

Comme nous repassions devant l’appentis, Georges s’arrêta net, et, promenant le faisceau de sa lampe sur les bicyclettes :

– Ça, c’est curieux.

– Quoi donc ?

– Je m’attendais à ce qu’il manque un vélo.

Sans transition, il bondit, en décrocha un et sauta en selle.

– Vous avez vu ? Ça ne m’a pas pris cinq secondes.

Pas mal, pour votre âge, faillis-je répondre. J’eus le bon goût de m’en dispenser.

– Qu’en induisez-vous ? demandai-je.

– Que le fuyard était certain de ne pas être rattrapé.

– Il pouvait avoir son propre vélo.

– Toujours votre barbu, hein ? Il y a une autre explication, et même deux : il n’a pas quitté la propriété ; ou encore il n’a jamais existé. Que dites-vous de ça ?

– Que vous savez raisonner.

– Merci, professeur. Maintenant suivez-moi.

Nous entrâmes dans le garage. Georges alluma la minuterie.

– Regardez attentivement autour de vous. Surprenant, n’est-ce pas ?

 

(À suivre.)

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