Le Sourire du Scribe, 35

Publié le par Louis Racine

Le Sourire du Scribe, 35

Sur le perron nous attendaient Ursule et les Mouzon, tous trois en tenue de nuit. À la vue du sang, Daniel se détourna.

Georges déposa son fardeau sur le canapé du salon, après avoir réclamé des compresses et de quoi désinfecter les plaies. Jacques revint à lui :

– Que m’est-il arrivé ?

– On vous a fait une vilaine farce, répondis-je.

Georges leva les yeux vers moi.

– Si je comprends bien, grogna-t-il, vous continuez à jouer les témoins miracles ? Testis unus, testis nullus. Mais déballez toujours.

– Plus tard.

Et, à Jacques :

– Vous ne vous souvenez de rien ?

– Non. Pourtant... j’ai reçu un coup sur la tête, n’est-ce pas ?

– En tombant, dit Georges.

– Je suis tombé, c’est ça. Mais il me semble...

Je tâchai de l’aider.

– On vous a assommé.

– Ma parole, dit Georges, vous êtes bien renseigné. Dites-nous exactement ce que vous savez.

Ursule intervint :

– Voyons, Louis, vous feriez mieux de répondre.

J’obéis. Jacques sourit à l’image du chalutier.

– Vous lui avez rendu toutes ses facultés, dit Ursule.

– Jacques est bon public.

– C’est vous qui êtes bon médecin, corrigea le blessé.

Georges tressaillit, mais se tut.

– Continuez, Louis, demanda Ursule.

Mon récit achevé, les questions fusèrent toutes à la fois. À quoi ressemblait le fuyard ? Quelle direction avait-il prise ? Pourquoi ne l’avais-je pas poursuivi ? Mais Georges me déconcerta :

– En admettant que vous ayez vu quelqu’un, qu’est-ce qui nous prouve que Jacques a été assommé ?

– Je ne jurerais pas du contraire, dit l’intéressé. Ah ! si je pouvais me rappeler avec précision... Il y a bien cette migraine ; mais c’est chez moi un état quasi permanent.

– Cet assommeur, me dit Ursule, essayez de nous le décrire.

– Ce sera difficile. Je ne peux même pas dire si c’était un homme ou une femme. Quelqu’un qui courait vite, en tout cas.

– Et ses vêtements ?

– Ils se confondaient avec la nuit. Navré de ne pouvoir vous fournir que des renseignements si vagues...

– Bref, conclut Georges, vous avez vu une ombre.

– C’est le terme que j’ai d’abord employé.

– Le mieux serait d’aller nous rendre compte sur place.

– Maintenant ? Et Jacques ?

– Je me sens parfaitement bien, dit le poète ; à part cette douleur au crâne.

– Mais vos blessures ? Je pensais qu’il faudrait vous recoudre.

Georges éclata de rire :

– Recousez si vous y tenez, et s’il est d’accord. Quant à moi, je retourne au garage.

– Je vous accompagne.

– Allez-y, dit Jacques. Il se trouvera bien une bonne âme pour rester à mon chevet le temps que vous meniez vos investigations.

Ursule se dérida, puis sembla chercher quelqu’un autour d’elle, et son sourire s’effaça d’un coup. À l’instant, je compris. Mais la mère m’avait devancé :

– Où est Estelle ?

Comme elle, je m’étonnais que le bruit que nous avions fait ne l’eût pas réveillée. Et l’angoisse me cloua sur place.

Jacques sauta sur ses pieds, à peine retardé par un geste de Georges.

– Vite ! cria-t-il.

Et il se précipita dans le couloir.

 

(À suivre.)

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