Le Sourire du Scribe, 43

Publié le par Louis Racine

Le Sourire du Scribe, 43

 

Nathalie admira la maison, le parc.

– Tu ne te débrouilles pas trop mal ! Cette Ursule est vraiment sympathique ; une hospitalité pareille, c’est incroyable. Et puis, pour un auteur de polars, quelle aubaine ! Je suis sûre que tu as commencé à prendre des notes.

– Ne crois pas que ce soit si amusant d’être soupçonné de meurtre.

– Qui te soupçonne ? N’importe quoi ! Tiens, un pavillon ; ce devait être le logement du régisseur. On voit qu’il n’est plus habité depuis longtemps.

– Jacques s’y installe parfois pour écrire. Les Dumuids l’avaient proposé à Blanche, mais elle se sentait plus en sécurité dans la maison.

– Elle n’était pas très délurée.

– Elle avait des excuses.

Je lui racontai son histoire.

– Pauvre fille !

Assise sur le pas de sa porte, la mère Lethuillier triait des haricots verts. Elle s’interrompit pour nous observer, surtout Nathalie. Je lui adressai un signe de tête, qu’elle me rendit lentement. On eût dit un vieux jouet mécanique.

– Qui est-ce ?

– La curiosité personnifiée. Elle n’a plus rien à apprendre sur mon compte, ni probablement sur le tien.

Je me retournai vers les Sycomores. De chez la mère Lethuillier, on distinguait, à gauche, le portail, puis un bout de haie, le reste étant absorbé par le virage ; à droite, le départ du sentier se devinait à peine entre les fusains et les premiers arbres du bois.

– Qu’est-ce que tu regardes ?

– Rien de spécial.

Nous arrivions à l’endroit où le cycliste était tombé. Naturellement, il ne subsistait aucune trace de sa chute. Je me revis fouillant des yeux le fossé, ramassant le Luger et, plus tard, trempé comme une soupe, effarouchant malgré moi une jeune fille dont je ne savais pas encore qu’elle se prénommait Estelle.

Nathalie s’étonnait justement que les Dumuids n’eussent pas le téléphone.

– Pas de téléphone, pas de télévision, pas de voiture non plus, renchéris-je. Ils en avaient une autrefois, mais ils l’ont revendue, parce que Dumuids avait horreur de conduire. Ça te situe le bonhomme.

– Mais comment font-ils pour les courses ?

– Piéchaud s’en charge, ou Georges quand il est là. Et Ursule se fait livrer pas mal de choses.

– N’empêche, son mari était un drôle de coco.

– Tyrannique et maniaque. Pas question de le déranger un tant soit peu quand il travaillait, ou de mettre les pieds dans son antre, même en son absence. À part Blanche qui avait le privilège de lui porter du café, il n’y admettait personne. Tu aurais vu cette pagaille !

– Il y a des gens comme ça : ils ont besoin du calme absolu pour se concentrer, un rien les perturbe. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’il n’ait pas transporté son bureau dans le pavillon.

J’eus le sentiment que Nathalie venait d’attirer mon attention sur un point capital.

– Sans doute, hasardai-je, pour éviter à Blanche de traverser le parc toute seule le soir.

Mais cette explication ne me satisfaisait pas.

 

(À suivre.)

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