Le Sourire du Scribe, 29

Publié le par Louis Racine

Le Sourire du Scribe, 29

Nous marchions à présent sous le couvert des premiers arbres du bois. La ruelle en effet, au-delà d’un parking ombragé, se prolongeait par un étroit sentier. Nous nous taisions. De ma part, c’était un choix. Mes questions trouveraient leur réponse à ce prix.

– Je vous sais gré de votre patience, dit enfin mon compagnon. Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu d’auditeur aussi attentif.

– Je ne cesse de vous interrompre.

– Vous essayez de comprendre. Vous avez soif de vérité. Moi aussi. C’est même tout ce qui m’anime encore. Votre silence prouve que vous avez perçu ma détresse. Je ne vous fais plus peur, hein, malgré ma sale gueule ? Vous avez dû me prendre pour un assassin. C’est vrai qu’il y a des gens que j’étranglerais volontiers. J’ai été maladroit avec vous ; je risque de l’être encore. Peut-être parce que je me rends compte de l’énormité de ma requête. Autant vous demander de vous jeter dans un puits. Vous aimez le danger ? Vous n’en savez rien. Et puis ce n’est pas la bonne question. Avez-vous déjà risqué votre vie pour satisfaire le caprice d’un fou ?

– J’ai fait mon service militaire dans la coopération. Le fou, c’est vous ?

Au lieu de répondre, il me toisa, l’air soupçonneux :

– Vous sauriez quand même vous défendre en cas d’agression ?

Mon imagination s’emballa. Je me vis entouré d’ennemis mortels. À l’affût derrière les buissons des Sycomores, les Dumuids guettaient mon retour pour me trouer la peau. Ou bien ils m’attendaient un peu plus loin dans le bois ; ils surgiraient à l’improviste, comme le Scribe dans mon rêve, et ça barderait.

– Je ne me sens pas menacé.

– Vous êtes bien sûr de vous.

– Vous aussi. Jusqu’à présent, je n’ai consenti qu’à vous écouter. Or vous ne m’avez toujours pas dit l’essentiel : en quoi consiste cette périlleuse mission ?

– Vous allez croire que je cherche à vous influencer, mais vous seriez d’ores et déjà fondé à craindre pour votre vie. L’assassin se méfie de vous. Et que vous déménagiez ne l’empêchera pas, si le besoin s’en fait sentir, de vous jouer un mauvais tour. Astucieux comme vous semblez l’être, et totalement étranger à la tribu, il vous a classé d’emblée dans la catégorie des gêneurs. Ce sont ces mêmes qualités qui me plaisent en vous, en plus de votre expérience d’auteur de polars.

– Vous êtes au courant, vous aussi ? Moi qui me croyais protégé par mon pseudonyme...

– Vous l’êtes. Peu de gens savent.

– Par qui l’avez-vous appris ?

– Peu importe. Laissez-moi continuer. Je veux que vous restiez aux Sycomores. Je ne sais pas, moi, séduisez la petite dernière. Elle ne vaut sans doute pas grand-chose, mais elle n’est pas désagréable à regarder. Et le risque de passer pour un profiteur aux yeux de certains n’est rien en comparaison des dangers bien réels que vous courez depuis votre intrusion dans cette vertueuse famille de philanthropes. Pas question pour moi de mettre les pieds là-bas. Vous, vous êtes dans la place. Recueillez toutes les informations que vous pourrez, discrètement, bien sûr. Peut-être en détenez-vous déjà, y compris à votre insu. Rendez-moi compte de vos observations, sans sous-estimer le moindre détail. Ne perdez pas de vue qu’il s’agit de confondre le ou les auteurs d’un lâche assassinat, et accessoirement de sauver votre peau.

 

(À suivre.)

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