Le Tube, 15A/27

Publié le par Louis Racine

Le Tube, 15A/27

 

15A. Un livre à déchiffrer

Vendredi 10 août 1990

 

La hachette ou la lance ? Corine choisit la hachette, qu’elle projeta de toutes ses forces sur l’adversaire. Il ondula, et le fer se ficha dans le montant de la porte.

– Du calme, Rine, dit le Phénix en ôtant son masque.

Par réflexe, elle plaqua sa main droite sur son sexe, son avant-bras gauche sur sa poitrine, sans lâcher sa pique, et tout en encaissant la nouvelle.

– Quoi ? C’est vous, le Phénix ?

– C’est vous, le Phénix ? nasilla l’autre en s’adressant à son masque, un œil fixé sur Corine.

Puis, d’un ton plus ordinaire :

– Mais non, c’est pas moi. Et toi, tu te prends pour une femme préhistorique ? Tu sais qu’elles étaient vêtues de peaux de bêtes. Bon, d’accord, il fait chaud, mais ne serait-ce qu’un petit cache-sexe, hein ? Cela dit, je ne te reproche rien.

– Vous êtes un vrai con.

– Et toi, tu es une vraie blonde. Eh ! je blague !

Il évita de justesse la pique qui filait droit l’émasculer.

– Ça va pas, non ? Garde tes petites forces pour eux, quand ils reviendront.

– Qui ça eux ? Auvigne est mort, je vous signale.

– Et lui alors, c’est qui ?

Elle se retourna. Quand elle comprit son erreur, il était à moins d’un mètre.

– Tu me déçois, Rine.

Elle voulut lui donner un coup de genou dans les roustons, mais l’intendance ne suivit pas : il eût fallu employer le gauche. Elle se pinça les lèvres. Ne pas s’avouer vaincue.

– Mais dis-moi, tu t’es fait mal. En jouant avec Hilaire, j’imagine ? Tu as toujours eu de gros genoux, mais là c’est monstrueux, ma puce. Tu veux bien que je jette un œil ? Oh ! elle pleure parce que je lui appuie sur son bobo. Bon, alors on a tué Hilaire, et après ? On va libérer les zombies ? Ou on va attendre tranquillement le retour du grand méchant loup, en rêvant tout haut de ce qu’il va concevoir dans son esprit dérangé pour se venger de la mort de son second ? Rêve tout haut, ma puce. Je t’écoute : « Il va me... » ; vas-y, c’est à toi. Attention, il faut que ça me plaise. Regarde : l’indicateur, c’est lui.

– Vous êtes tous gravement siphonnés, dit Corine sans baisser les yeux.

– Comment ? tu me mets dans le même sac que ces amateurs ? Tu n’as rien compris : tu travailles pour moi. Le Phénix, tu vas lui faire la peau. Ce sera ton premier contrat. Si tu échoues, tant pis... pour toi !... ah ?... Ah ?... Je crois bien que j’entends la Jeep !

 

Tête et bras pendants, Axel demeura de longues minutes parfaitement immobile, indifférent au soleil qui lui brûlait la nuque, aux cris des oiseaux de mer et au chuintement des vagues sur le rivage transformé en charnier.

Quand enfin il se fut réconcilié avec lui-même, il se dirigea vers l’homme étendu au pied de la falaise.

Il était toujours inconscient. Son pouls s’était encore affaibli.

Que faire ? Charger le malheureux dans l’embarcation, au risque de le tuer ? Et pour le transporter où ? Ce canot devait bien venir de quelque part. D’un navire ? Aucun n’était en vue. D’un îlot voisin ? Quel secours y trouverait-il ? Toute la zone était inhabitée. Si c’était pour tomber sur d’autres de ces joyeux drilles, merci bien !

Il restait un espoir, que les visiteurs eussent été équipés de talkie-walkie. Il fouilla en vain le canot, les cadavres : les appareils qu’il trouva sur deux d’entre eux avaient été détruits par ses propres salves.

Comme il retournait auprès du blessé, il ramassa sa bible et vit qu’elle était creusée d’un trou qui la traversait presque de part en part, et au fond duquel luisait un objet métallique. Il souleva la couverture. L’extrémité de la balle pointait au centre du O de HOLY.

Il se laissa tomber sur le sable, juste à côté du nom qu’il y avait inscrit, et contempla l’horizon. Se pouvait-il que le monde fût un livre à déchiffrer ?

Son regard erra sur les débris de Fafnir II, son troisième ballon, le plus sophistiqué. Quelle vanité !

Il se releva d’un bond.

Quelque chose comme une plainte lui parvenait.

Le blessé s’était réveillé. Il essayait de parler.

Axel dut presque appliquer son oreille contre sa bouche pour comprendre le message.

C’était une sentence de mort pour tous les deux.

 

Demain : Complications

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