L’Hiver minimal, 46
« Et peut-on savoir ce qui vous a amené à
– L’avion. »
L’argument, si pauvre, faisait ricaner les deux hommes, et, percevant leur bêtise, j’en éprouvais de la déception, car ils m’avaient d’abord paru sympathiques, dans leur naïve ambiguïté que, comme d’habitude, j’avais devinée dès le premier instant, sans vouloir me l’avouer, ni admettre que je regrettais un peu l’époque où, pareil à eux, je mêlais de simplicité pas toujours jouée l’appétit de pouvoir qui m’avait conduit jusqu’à ce triste matin sur
Quelques jours plus tard, de retour à Paris, Abdul est passé chez moi et ne m’y a pas trouvé. La concierge l’a renseigné. Il est venu ici. Je me souviens d’être tombé dans l’escalier. Des voisins se sont chargés de me faire hospitaliser. J’ai demandé à Abdul de ne rien dire à Sandrine. Il me l’a promis. Il est là-bas, pour le week-end. Je n’aimerais pas être à sa place. Je n’aimerais être nulle part. Pourquoi pas dans cette chambre ? Au moins, j’aurai échappé à la salle commune.
Abdul s’est trouvé en conversation avec la concierge en même temps qu’un homme qui demandait aussi après moi, et que je pense être Lelu. Il n’est pas encore venu. Peut-être ne viendra-t-il pas.
Sandrine ne se doute de rien. Sa grossesse, jointe à cette épreuve affreuse, la fatigue beaucoup. Entre deux crises de larmes, elle relit les Évangiles.
Pour éviter qu’elle n’appelle chez moi, Abdul, qui n’a pas le téléphone, lui a fait croire qu’il m’hébergeait. Elle doit se demander pourquoi je ne cherche pas à communiquer directement avec elle. Mais je ne pourrais pas lui mentir.
Je sais par Abdul que Catherine et Jérôme ont eu le temps de traduire tout ce que je leur avais donné, sauf le chapitre qui devait précéder celui-ci, et où je racontais un peu ma vie avec Sandrine ; il est inachevé, et je n’ai pas le courage de le mettre en français.