Ça plus ça plus ça, 16
Plutôt qu’au docteur, il s’agissait de jouer à la chatte et au souriceau, vous dites-vous, non sans raison. Mais de ce jeu aussi Caroline-Artémis s’est lassée. Une fois son verre plein, elle s’est fait passer le plateau de fromages, en a pris de quatre sortes au moins, un gros morceau de pain, et une leçon d’histoire politique auprès des grandes gueules du bout de la table, le genre de chose qui aurait dû me passionner, du reste je suis devenu assez fort sur ces questions, mais à l’époque tout ce que j’ai pu en retirer c’est une certaine sympathie à l’égard de mon père, victime collatérale non seulement du franquisme mais aussi de tous ces conflits entre factions, partis et groupuscules plus ou moins alliés, plus ou moins ennemis. À sa place, j’aurais probablement eu envie moi aussi de prendre le large. Le marrant de l’affaire, si j’ose dire, c’était qu’il eût choisi pour cela des étroitesses souterraines, voie d’accès, sans doute, à de calmes et grandioses vastitudes, mais enfin il fallait y croire. Pour au grand soir préférer la grande nuit.
Ainsi rêvais-je, mon ivresse croissant, ma colère diminuant, et personne ne me prêtant plus la moindre attention, sauf peut-être cette Carmen bis dont j’étais censé tout savoir et dont j’eusse été incapable même de dire ce qu’elle faisait dans la vie. Ah ! oui, elle bossait à la sécu, jouait dans une troupe de théâtre amateur et à part ça me tendait le fromage.
« Non, merci.
– Tu devrais manger, quand même.
– Je me suis gavé de coq au vin, je me réserve pour le dessert. »
Je lui ai tenu le plateau, sans faiblir ou presque. Je sentais une douce torpeur m’envahir, comme on dit dans les romans de gare. Les voix des convives se faisaient plus lointaines, y compris celle de Félix continuant d’improviser sa chanson idiote. Personne ne l’écoutait, pas même ses copains de la rue Monge. Ils suivaient avec intérêt les explications du patron. Assis entre l’angelot et le Tarnais, il dénigrait la bande à Krivine, ce social-traître qui avait défendu l’Union de la gauche. Puis il est allé chercher le baba, qu’il a rapporté sous les vivats, interrompant le récit par je ne sais plus qui de l’assassinat de Trotski, mais l’enthousiasme a atteint son paroxysme quand il a déposé à côté du plat la bouteille de rhum aux trois quarts pleine en nous invitant à compléter à volonté l’humectage du gâteau.
« C’est pas n’importe quel rhum, en plus », s’est écrié Félix, la guitare toujours sur les genoux. À peine servi, il a noyé sa part et j’en ai fait autant.
« J’ai une question », il a lancé. « Qu’est-ce qui est le plus imbibé, mon baba ou mon voisin ? »
Il n’a pas eu le succès escompté. Quant à moi, dès la première bouchée, j’ai compris qu’il valait mieux que je marque une pause. Du recul aussi, au sens spatial du terme. Je me suis levé, sans trop de difficultés, et j’ai demandé à Félix où étaient les toilettes.
« Dans la cour. Ça va, camarade ? Bon, pour le tour en carrosse c’est râpé, à moins qu’on fasse boire Sonia au point qu’elle ne puisse plus conduire. »
Voilà, vous connaissez son vrai prénom.
« Parce que tu te vois prendre le volant bourré comme t’es ?
– Va chier, Norbert, je te jure de pas toucher à ton baba. »
Dans le couloir, il faisait déjà beaucoup moins chaud, j’ai enfilé mon manteau, sans le fermer, vous pensez, et je suis sorti. L’air frais m’a ragaillardi, les pavés disjoints de la cour n’ont pas réussi à me faire tomber, je suis entré dans le frigo qui servait de chiottes, avec au-dessus du lavabo ébréché un miroir façon firmament inversé où ce que j’ai aperçu ne m’a guère charmé, au mur des affiches tout sauf sédatives par leur discours comme par leur esthétique, à peine devant la cuvette je me suis lancé dans des travaux d’assainissement de grande envergure. Je les ai poursuivis en position assise, tout en cogitant. Après la gerbe, la gamberge.
Félix, que j’avais cru infaillible, s’était bel et bien planté en croyant que j’apprécierais ses copains soi-disant anars. Sans doute ils me changeaient de mes hypokhâgneux, mais c’était à l’avantage de ces derniers. Ça me donnait même envie de fréquenter Marc. Tiens, c’était drôle, ça, Marc, Carmen. Bon, on s’en fout. De là mes pensées ont dévié sur Géraldine, puis sur son père et son usage particulier des chiottes, puis j’ai frissonné, pas seulement à cause de la température ambiante, mais en revoyant les restes du chat sur le palier, j’avais beau la chasser, tôt ou tard cette image parvenait à s’insinuer dans mon esprit, quant à savoir si c’était bien là le fameux bleu russe je restais indécis, ça supposait qu’il ait été enlevé chez Félix, donc que notre copain ait été surveillé, l’enlèvement en soi ne posant pas de problème, Derambure et ses acolytes probablement étaient munis de passes, quelle bande de tordus, dommage que Paula eût attendu pour m’alerter que Würtz ait évacué le cadavre, je me demandais comment cette conne d’Odile pouvait être aussi confiante, y compris dans ses chances de remboursement, j’aurais été assureur j’aurais exigé des preuves de la mort du matou, genre certificat de décès, de là j’ai divagué sur d’autres aspects de l’affaire Messmer, puis j’ai eu un moment d’incrédulité proche de la panique en mesurant tout ce qui s’était passé dans ma vie ces dernières quarante-huit heures, tous ces restaus ou assimilés, merci de me dispenser de l’historique, ce qui m’aurait été utile c’est un bon joint, à la rigueur une clope, faute de quoi je me suis tamponné le front et les yeux avec de l’eau glacée jusqu’à me sentir à peu près d’attaque. Je suis sorti des chiottes et c’est là que tout a basculé.
D’abord j’ai aperçu le museau de Caroline (la voiture) par la grille du portail. Ensuite je me suis dit que Caroline (la fille) avait dû comme moi suspendre ses affaires dans le couloir. Je suis rentré, me laissant baigner par la tiédeur du lieu. J’étais invisible de la salle, une fournaise sûrement, où Félix et ses copains avaient entonné un chant que mon père sifflotait parfois. Mon cœur s’est mis à battre plus vite et plus fort. J’ai passé en revue les différents manteaux accrochés là, et j’ai repéré du premier coup celui qui m’intéressait, au parfum surtout. J’ai glissé la main dans la poche gauche (Sonia était gauchère) et j’ai senti au bout de mes doigts un trousseau de clés. J’ai été secoué par une sensation caractéristique, mélange de brusque relâchement et d’excitation aiguë. J’ai regardé, pas de doute, c’étaient bien les clés de la Mercedes. Je les ai enfouies dans une de mes propres poches et j’ai repris mon souffle. Au loin, tout le monde bramait, la guitare virait hystérique. Aunque nos espere el dolor y la muerte... C’était donc ça les paroles ?
Je pouvais encore reculer, remettre les clés à leur place. J’ai préféré fouiller le reste du manteau et le sac à main qu’il recouvrait, à la recherche des papiers de la voiture, que j’ai fini par trouver. Déjà que je n’avais pas le permis, autant n’en pas trop rajouter. Au passage, je suis tombé sur un joli porte-monnaie bien lourd que j’ai laissé là, et sur un objet qu’en revanche je n’ai pas pu m’empêcher de piquer sans trop savoir pourquoi, un pistolet d’alarme. Ainsi équipé, je suis ressorti, et à nouveau le froid m’a saisi. J’ai mis le cap sur le portail, en espérant qu’il serait ouvert. Quand j’ai vu la chaîne, j’ai eu un moment de désarroi, heureusement il y avait à côté une petite porte métallique tellement discrète que je ne l’avais pas remarquée. Je me suis approché. Elle n’était pas verrouillée. En revanche la poignée et surtout les gonds grinçaient horriblement, j’ai dû y aller en douceur, pour le cas où les banqueteurs cesseraient brusquement de brailler.
Comme je tournais la tête vers la maison, j’ai senti mes cheveux se hérisser en apercevant, du côté opposé du portail, une énorme niche. Oh putain ! Si un chien dormait là-dedans et venait à se réveiller j’étais foutu. Certes, un chien de garde chez un anarchiste, ça paraissait improbable, mais j’avais vu tellement de choses bizarres au cours de ma brève existence ! Enfin tout s’est bien passé, je me suis retrouvé sur le trottoir, près de Caroline, dont les vitres reflétaient la façade du restau, ses fenêtres éclairées, pouvais-je m’installer à bord sans me faire repérer ? J’ai risqué un œil, et j’ai vu que les fenêtres en question n’étaient pas les plus proches des convives, qu’on devinait quand même, plus au fond, accaparés par leur messe, aux échos aisément perceptibles. Parfait ! En deux minutes j’étais au volant, prêt à partir. Sans avoir pris de café, mais il ne fallait pas abuser.
J’ai démarré le moteur – quel boucan ! –, lancé un regard inquiet vers le restau, où j’ai vu des silhouettes s’animer, mais parce que certains s’étaient levés pour danser. C’est seulement quand j’ai commencé à rouler qu’il m’a semblé distinguer derrière une vitre la face bouche bée d’Odile.
Je n’avais jamais conduit de ma vie, à part des auto-tamponneuses, une voiture-jouet au Jardin d’acclimatation et la 404 du cousin Bourzeix, qui m’avait laissé faire le tour de son pâté de maisons à Pantin. Ça me suffisait amplement. Ce qui m’aurait gêné, c’est une boîte manuelle, comme on dit, parce que je n’avais pas l’usage de mon pied gauche. Tandis que là je me suis tout de suite senti à l’aise.
Peut-être que vous, vous vous doutiez de ce que j’allais faire, moi je vous jure que je n’avais rien prémédité, consciemment du moins, et à ce moment encore je n’étais pas fixé quant à mes projets même à court terme. L’ivresse augmentait mon audace, aiguisait mon imagination mais émoussait mes capacités d’organisation. Elle diminuait sans doute aussi mes réflexes, et c’est un miracle si à la première intersection je n’ai pas renversé les gamins du restau promenant un clebs aussi grand qu’eux. Ils m’ont reconnu, les gamins je veux dire, tant pis, de toute façon j’étais grillé. Ça a quand même failli influencer ma décision, parmi les hypothèses qui s’offraient à moi j’aurais pu choisir celle de ramener la bagnole après m’être fait plaisir, de m’en tenir à une blague douteuse sans doute mais pas méchante, eh bien non, j’ai enfoncé l’accélérateur, histoire de mettre le plus vite possible le plus de distance possible entre Les Enfants d’Émile et moi. Le moteur a hurlé, et l’instant d’après j’ai été plaqué au siège avec une telle force qu’il m’a fallu plusieurs secondes pour me remettre de mon étourdissement et pour songer seulement à lever le pied. J’ai compris que j’avais intérêt à y aller mou si je ne voulais pas me retrouver dans le décor. Toute semblable à un salon sur roues qu’elle était, à un grand chausson moelleux, Caroline pouvait se transformer sans crier gare en un gigantesque boulet de canon.
J’ai débouché comme ça sur une large artère peu fréquentée en cet après-midi dominical. Je me suis rangé le long du trottoir et j’ai rassemblé mes esprits. Je tremblais de peur et de volupté. J’ai entrepris d’inspecter méthodiquement le tableau de bord et la boîte à gants, assez spacieuse pour en contenir une centaine de paires, j’y ai déniché une cartouche de Dunhill à peine entamée. Bonne pioche. J’en ai prélevé un paquet, me suis mis en quête d’un allume-cigare, gagné, j’ai savouré ma clope avec des poses alanguies, je ne m’étais pas rendu compte à l’aller à quel point les sièges étaient confortables, je promenais les yeux sur le décor, c’est lui qui me caressait le regard et l’âme, le moindre détail était fait pour inspirer confiance et procurer un sentiment de plénitude, en somme je découvrais le luxe.
Après quelques bouffées, j’ai repris mes investigations. Je cherchais une notice, un mode d’emploi. Je n’ai rien trouvé de tel, mais un carnet d’entretien en américain avec des sommes en dollars. Visiblement la bagnole avait été achetée aux États-Unis, du reste le compteur de vitesse était en miles. Bon, je me débrouillerais. J’avais observé Félix tout à l’heure, compris comment passer en position conduite, pigé le système du double frein à main, je venais de faire malgré moi l’expérience de la reprise boulet-de-canon, je pouvais deviner le reste, surtout que question mécanique j’en connaissais un rayon, sûrement plus que le commun des piétons et même des automobilistes. Je n’en revenais pas de pouvoir jouer avec un gros V8. Le problème, Sonia m’avait prévenu, c’était la consommation. D’après la jauge, il me restait nettement moins d’un quart de réservoir. Pas assez pour aller jusqu’à... jusqu’où, au fait ?
J’avais bien mon idée. Et un peu d’argent. Assez pour me payer l’essence nécessaire ? Pas sûr. Combien coûtait le litre ? Dans les deux francs. Ce serait un peu juste. Il était peut-être temps d’ouvrir l’enveloppe du Malebranche. Cinquante balles. J’avais donc été augmenté. N’empêche que ça ne me mènerait pas bien loin, ni le fric ni la satisfaction d’amour propre. Et ça, qu’est-ce que...
En voulant remettre l’enveloppe dans ma poche intérieure, j’ai senti une résistance, due à une enveloppe plus petite et plus épaisse coincée au fond. Je l’ai cueillie du bout des doigts. Aussitôt j’ai été transporté de joie. Je savais et j’espérais. Seule Géraldine avait pu me faire ce coup-là, et le coup en question ne pouvait être que...
L’enveloppe était très jolie, et bien cachetée, je l’ai déchirée avec une frénésie sauvage. Elle contenait une petite feuille de papier orange pâle pliée en quatre et des billets de banque. J’ai déplié le mot et j’ai lu :
On ne peut pas tout partager, mais là c’est la moindre des choses. Sans toi je n’aurais pas gagné cet argent. La moitié t’en revient. Excuse le procédé, je me protège lâchement de tes sarcasmes. Ta lesbienne préférée.
Oh putain !
Deux cent cinquante francs ! Je les ai comptés et recomptés fébrilement, puis je me suis calmé, j’ai rassemblé le fric, celui de Géraldine, celui du Malebranche et ce qui me restait de celui de Jérôme et l’ai glissé dans la grande enveloppe. La petite, je l’ai reconstituée aussi bien que j’ai pu, j’y ai rangé la lettre, et le tout dans la poche poitrine de ma chemise, sous mon pull.
J’avais plus de trois cent balles, l’équivalent, mettons, de cent cinquante litres d’essence. À quinze litres aux cents, si je conduisais souplement, j’avais de quoi faire mille bornes. L’idée qui m’avait effleuré d’un aller-retour restait envisageable. Bon, il faudrait bouffer aussi, mais avec du pain et du lait je pouvais tenir un moment. Et puis j’avais de quoi fumer.
J’ai écrasé mon mégot dans le cendrier, relevé les glaces et examiné le système de fixation de la capote pour voir si je saurais la replier. Il faisait vraiment beau et ça aurait été génial de pouvoir profiter du cabriolet proprement dit. Je m’y voyais déjà. La générosité des uns et des autres m’avait bien regonflé, ça compensait opportunément l’atténuation des effets de l’ivresse.
Ce qu’il y avait, c’est que j’ignorais tout des possibilités de ravitaillement en carburant dans le secteur un dimanche. Or prendre la route sans avoir fait le plein me semblait beaucoup trop aléatoire. Où trouver mon bonheur ? Un qui aurait pu me renseigner, c’est Douvenou. Il était du genre à savoir ça par cœur. Si je l’appelais ? Il y avait justement une cabine à côté. J’y suis allé. Le plaisir de verrouiller la Mercedes et de la laisser resplendir sur l’avenue avec sa belle carrosserie ivoire, ses chromes, sa capote rouge assortie aux sièges de cuir !
Je me suis présenté, j’ai demandé à parler à Jean-Michel, on me l’a passé. Il avait l’air un peu emmerdé. Il faut dire à sa décharge que mon innocence dans l’affaire Rondeau n’avait toujours pas été officiellement annoncée. Pire encore, parce que ça le touchait de près, mon rôle dans l’affaire Messmer demeurait des plus flous. J’ai tâché de le rassurer. J’avais juste une question technique. Petit à petit il s’est détendu et m’a indiqué sur le périphérique une station ouverte le dimanche.
« Pourquoi tu me demandes ça ? T’as passé le permis ? T’as une bagnole ? Tu conduis avec tes cannes ? Ah ! je sais, c’est une automatique !
– Exact. Si tu veux je te la montre. Je peux même passer te prendre chez toi et te ramener. »
Ça, c’est de l’improvisation !
Il n’a pas hésité longtemps.
« Écoute, je sèche sur la physique, ça me fera du bien de prendre l’air.
– Rendez-vous en bas de chez toi dans un quart d’heure. »
Je n’avais jamais conduit, c’est vrai, mais je connaissais bien Paris, ses sens uniques, ses raccourcis, ça roulait très bien, un quart d’heure plus tard je déboulais devant mon Douvenou médusé.
J’ai cru qu’il allait nous faire un malaise. « Qu’est-ce que c’est que ces conneries ? » il répétait, tournant autour de la bagnole, examinant tout, des phares aux pneus en passant par les poignées de porte et évidemment les divers instruments de bord. Il a demandé à voir le moteur. Là, il est resté en extase une bonne minute. Puis il m’a débité la fiche technique complète du véhicule, et il n’avait pas fini quand il a pris le volant, cédant sans se faire trop violence à mon amicale pression. Allez, vas-y, t’en meurs d’envie. – J’oserai jamais, j’ai pas le permis. – Et alors ? Tu conduis la voiture de ton père, il t’a appris. – Mais si on se fait arrêter ? – T’as vu la plaque ! Allez ! C’est pas tous les jours ! C’est pas tous les jours dimanche ! Bon, il a osé.
Il y a pris un pied manifeste et communicatif. Il commentait chacun de ses gestes, chaque réaction de la guinde, m’a donné moult conseils, se taisant parfois, moins parce qu’il n’avait plus rien à dire que parce qu’il était bouleversé. Je ne pouvais pas lui faire plus beau cadeau d’anniversaire.
« C’est ton anniversaire ?
– C’était hier. Justement, je vais pouvoir passer le permis. »
On a fait le plein et on est retournés chez lui. Il m’a proposé de monter boire quelque chose, il voulait me présenter à ses parents. J’ai décliné poliment.
« En revanche, j’ai dit, j’aurais encore un service à te demander.
– Tout ce que tu voudras.
– T’aurais pas une carte routière en double, enfin, pas une trop vieille, pas trop périmée, une carte de France avec les principaux axes ? »
Il m’a regardé un moment.
« J’ai mieux. Bouge pas. »
Cinq minutes après il redescendait avec un atlas routier de tous les pays d’Europe. Un truc hyperpratique que j’ai utilisé pendant des années.
« T’es sûr que tes parents en ont pas besoin ? Ou toi ?
– Garde-le. Mon père peut en avoir comme il veut à son boulot. Je te dois bien ça. Mon premier V8 ! Tu l’as jusqu’à quand ?
– Un petit moment encore.
– Tu vas venir au bahut avec ?
– Quand même pas !
– Bon, à demain. Je sais de quoi je vais rêver cette nuit. »
Brave garçon !
La montre paternelle ne m’était toujours d’aucun secours, mais l’horloge du bord indiquait 15 h 37. J’ai fait un rapide calcul. Oui, en roulant bien, je pouvais être le soir même à la Boissière.