Ça plus ça plus ça, 25

Publié le par Louis Racine

Ça plus ça plus ça, 25

 

J’ai pensé mourir de peur.

Vous le savez, les portraits, en général j’élude, mais ce visage c’était de l’action pure, alors même que celui (celle ? à un moment j’ai eu un doute) qui l’arborait ne faisait strictement rien d’autre, ça représentait déjà un énorme boulot, plus encore que d’écrire ce qui va suivre.

Imaginez un regard mort dans un masque vivant. Oubliez grimaces et grimages, clowns flippants et autres clichés ou poncifs à la mode ou non, concentrez-vous sur ce double oxymore. Tout dans ce que je voyais évoquait la fiction, l’artifice, et cependant c’était de la chair d’homme ; inversement, les deux yeux posés sur moi semblaient appartenir à un cadavre : rien de plus énigmatique que ces portes opaques, ou ne laissant transparaître que l’invisible. Un aveugle s’y serait peut-être retrouvé, en tout cas il n’aurait pas comme moi hurlé, ne se serait pas rejeté en arrière, renversant le meuble du téléphone et tout ce qu’il contenait ou supportait. Mais je ne crois pas qu’en pleine possession de mes jambes je les eusse prises à mon cou. L’instant d’après je remontais au créneau, partagé que j’étais entre l’épouvante et la fascination. Ce que j’avais en face de moi se situait en-deçà de l’animalité, au-delà peut-être de l’humanité, ou abolissait par sa différence toute cette hiérarchie, en révélait l’arbitraire – non sans me proposer, et c’était le plus étrange, un reflet de moi-même, parce que, si lointaine, inaccessible qu’elle fût, cet être indiscutablement matériel n’en recelait pas moins une âme. Ni automate ni robot, mais leur symétrique, en quelque sorte.

Ce qui ajoutait au mystère, c’était l’espèce de sourire arrêté sur tout cela, et qui par sa fixité eût pu évoquer la mort, mais incarnait plutôt l’absolu de la foi. Un sourire tourné vers l’intérieur, vers l’ailleurs, comme ce regard qui en paraissait éteint, illuminant pourtant les plus profondes ténèbres.

Bon, on va se calmer.

« Qu’est-ce que vous voulez ? » j’ai fait en remettant le téléphone en place.

Aucune réaction. Le même sourire, le même regard impénétrable. J’ai répété ma question, plus fort, joignant le geste à la parole, des fois que le type fût sourd. Sans succès. Bien qu’il n’eût pas l’air malintentionné, j’hésitais à ouvrir la fenêtre. Je lui ai signifié que j’allais sortir. Il n’a pas bougé d’un cil ni d’un poil, les mains enfoncées dans les poches d’une espèce de doudoune marronnasse assortie à une horrible chapka aux oreilles rabattues. Je me suis mû à reculons vers la porte, que j’ai refermée derrière moi en sortant, après un dernier regard sur l’étrange observateur toujours immobile, et me suis hâté de contourner la maison, par le plus court évidemment.

Malgré mon infirmité, ça ne m’a pris qu’une dizaine de secondes. Mais j’ai tout de suite vu que l’autre avait filé. Où était-il passé ? Oh putain ! s’il cherchait à s’introduire dans la maison ! Le mieux était de battre en retraite fissa, quitte à devoir l’affronter. Demi-tour, le plus vite possible, en tendant l’oreille au moindre signe révélateur. Mais rien. Je me suis retrouvé devant la porte. Était-il entré ? Se cachait-il derrière le pignon ouest ? Ou, plus fort, derrière celui que je venais de longer ? Entre vérifier ces hypothèses et me dépêcher de rentrer, je n’ai pas longtemps balancé. Et, comme une espèce d’intuition m’en avertissait, je n’avais pas plus tôt poussé la porte que j’ai aperçu au loin le plaisantin dans la même attitude et occupant la même position que tout à l’heure.

La preuve paraissant établie qu’il n’avait pas l’intention d’entrer, je suis allé jusqu’à la fenêtre et l’ai ouverte, cette fois. Il n’a pas bronché.

« Bonjour ! Je peux vous aider ? »

Rien. Regard lointain, sourire figé, mains dans les poches.

Le temps s’était arrêté, malgré le démenti de la pendule, dont le tic-tac opiniâtre bruitait une partie de ping-pong sans nerf, accessoires ni enjeu. Le souffle de l’hiver furetait de-ci, de-là, feuilletant un magazine, flairant mes joues. La notion même de durée paraissait vidée de toute signification. On aurait pu rester comme ça des heures, moi à m’enrhumer, le sphinx en doudoune à défier mon entendement.

« Il fait froid », j’ai dit en refermant la fenêtre dans un frisson. Puis, pris d’une inspiration, je suis allé chercher un verre d’eau à la cuisine. Je le lui ai montré. Pas de réaction. Un bout de pain. Même chose.

C’est alors que Guillaume, subitement réapparu, a sauté sur la tablette, comme selon un scénario bien défini. Vous auriez vu le type ! Pour le coup, il s’est animé au-delà du supportable. Je vous passe le détail de ses gesticulations et de ses mimiques, c’est tout juste s’il ne s’était pas mis à lécher les vitres, faute de pouvoir toucher la bestiole, laquelle ronronnait à mort en se pressant contre elles. C’était à se demander qui des deux allait faire éclater les carreaux sous la pression, tant il me semblait les voir se déformer, tandis que l’inconnu, piétinant les plates-bandes de Jeanne, articulait muettement ce qui devait être des tendresses, à en juger par les flots de bave qui les accompagnaient.

J’assistais impuissant, sidéré, à ce spectacle d’une autre dimension quand le téléphone a sonné.

« Bonjour, jeune taurillon.

– Jeanne ! Je suis en train de vivre une expérience surréaliste.

– Ce n’est pourtant pas la première fois que tu téléphones. Pas plus tard qu’hier, rappelle-toi...

– On continue à se moquer ! Nous avons de la visite.

– Nous ? Ah ! je vois. Samuel. J’ai oublié de te parler de lui. Vous avez joué à cache-cache ? Tu n’as pas eu peur, au moinsse ?

– Il n’a pas l’air bien méchant.

– Il ne l’est pas du tout. J’entends Guillaume ronronner d’ici. Laisse-les s’amuser tous les deux. Bon, écoute, je suis encore au bureau, le mandat vient d’arriver, on va sortir l’argent, tu pourras le récupérer ainsi que ta carte d’identité, commande-toi un taxi, je laisserai à Muriel de quoi le payer. Mais je n’aurai pas le temps de repasser. Tu as un train à treize heures, le suivant n’est vraiment pas pratique.

– Attends, ça veut dire qu’on se reverra pas avant mon départ ? »

J’ai pensé qu’elle ne faisait pas beaucoup d’efforts. Aussitôt après, cette pensée m’a rempli de honte.

« Moi aussi, ça m’embête », elle a dit.

« Je laisse ouvert en partant ?

– Oui, pas de problème.

– Et Samuel, il va pas vouloir entrer ?

– Si je ne suis pas là, ça m’étonnerait. Et quand bien même, ce ne serait pas gênant. Il ne ferait pas de mal à une mouche. Tu as peur qu’il mette le feu ? »

Son rire sonnait faux.

« OK. Mais j’aurais voulu te remercier.

– Rien ne t’en empêche.

– Pas comme ça. »

Un silence.

« Tu reviendras. Bon, il me faut y aller.

– Jeanne ?

– Oui ?

– Pourquoi ?

– Pourquoi quoi ?

– Pourquoi tu fais tout ça pour moi ?

– Tu ne le ferais pas, à ma place ?

– Je veux ! Merci, en tout cas.

– Avec plaisir. Tu vois que tu y arrives. Bon courage, Norbert. »

Elle a raccroché la première. Je me suis dépêché de libérer Guillaume. Vous décrire la suite est au-dessus de mes forces. Pendant que les deux amis se roulaient dans l’herbe maigre, j’ai refermé la fenêtre et cherché dans l’annuaire le numéro d’un taxi.

Une fois le sapin commandé, le même pour les deux trajets, avec quelques minutes d’attente à la poste (Je ne vous les compterai pas : sympa !), je me suis fait un dernier café que j’ai siroté dans la cuisine, prenant exemple sur mon baluchon pour gamberger le moins possible. Et il en fallait de l’obstination. Car dès que je me relâchais, les pires pensées s’agitaient dans mon château-fort intérieur, comme quoi – par exemple – le sort de Samuel était de beaucoup préférable au mien, sans parler de Guillaume, bien entendu. Aux innocents les mains pleines. Plus sérieusement, pourquoi ne serais-je pas resté chez Jeanne le temps que ma jambe se répare ? Ensuite, je me dégoterais quelque boulot dans le coin, des travaux d’entretien, des cours. Je n’avais d’ailleurs pas besoin d’être rétabli pour gagner un peu de fric. Bon, la matouze ferait la gueule, mais elle serait bien obligée de s’incliner devant mes raisons, la principale étant que je ne supportais pas l’idée même de rentrer : il me fallait prendre mes distances, au moins provisoirement, c’était à ce prix que mes proches pouvaient espérer me revoir un jour. Entre-temps je serais en bonne place pour tester la solidité de ma relation avec Carmen. Même avec Marie-Jo je saurais peut-être faire évoluer les choses. Et si ça ne marchait pas, tant pis. J’aurais mis toutes les chances de mon côté.

Vous voyez que j’avais tout intérêt à m’empêcher de tirer des plans sur la comète, de concevoir des projets aussi déraisonnables que de me faire ramener chez Jeanne après avoir touché mon pognon, de l’attendre avec un bon feu, une bonne bouffe et une bonne petite queue bien raide et bien soyeuse comme elle les aimait. Tu parles ! Elle m’aurait flanqué à la porte et n’y revenez plus. Et alors ? Ça valait le coup d’essayer. Au pire, je passerais la nuit à Brive. Je n’étais pas à un jour près. Surtout si je décidais de ne pas rentrer, de poursuivre ma route vers le sud, vers l’Espagne, pourquoi pas ? L’hiver y serait plus clément. Au printemps, on aviserait. Et puis, à l’étranger, j’échapperais aux poursuites. À moins que les douaniers aient été alertés et m’empêchent de quitter le territoire. Eh bien ! c’était l’occasion de vérifier. Plus question d’appeler le commissaire. Mon mauvais coton, je le filerais jusqu’au bout.

Je m’en interdisais, des inepties, tandis que le tacot tardait à se pointer ! La pluie l’a devancé, une belle averse, teigneuse à souhait, j’ai traversé la cambuse et la grande pièce pour aller jeter un œil par la fenêtre, pas de Samuel ni de Guillaume, ils avaient dû trouver un abri quelque part, ou alors l’idiot avait depuis longtemps dévoré le greffier, Jeanne disait qu’il n’était pas méchant mais qu’est-ce qu’elle en savait ? C’était jusqu’à preuve du contraire, comme ma bonne volonté. Je vous rappelle qu’il y avait de la violence en moi. Toute la gentillesse du monde ne suffirait pas à la maintenir enfermée, au contraire, c’était quand je baissais ma garde qu’elle était le plus susceptible de jaillir, encore plus dangereuse car inattendue. Ainsi, en ce moment, j’étais tendu comme un ressort, plein d’une inexplicable rancœur contre mon hôtesse, et qui ne faisait que se renforcer à mesure que je m’en représentais l’injustice. Oserai-je l’avouer ? J’ai été tenté de péter deux trois trucs chez elle pour lui apprendre à ne pas faire confiance à n’importe qui. Oh putain ! Comment en étais-je arrivé là ?

Pour me racheter à mes propres yeux, ne pas quitter cet asile sur une image trop négative de moi-même, sur la table de la cuisine j’ai vite disposé en forme de cœur des Mon chéri qui s’ennuyaient dans un bocal. Le résultat était ridicule sous tous rapports, tant pis.

Avec ça il pleuvait de plus en plus dru. C’est ça qu’il aurait fallu pour éteindre l’incendie du hangar. Quand même, ce n’était pas un temps à laisser dehors un Samuel. Et s’il attendait derrière la porte ? J’allais entrouvrir pour risquer un œil, quand avec un miaulement indigné Guillaume est rentré par la chatière, se glissant entre mes jambes, la bonne et la mauvaise, et leur abandonnant pas mal de sa charge aquatique. De Samuel, point. En revanche le tacot descendait le chemin.

J’ai enfilé mon manteau, empoigné mon bagage et je me suis avancé, après avoir refermé la porte à la clenche. L’idiot pourrait toujours entrer se mettre à l’abri.

Le taxi a fait demi-tour, laborieusement, même avec les phares on y voyait mal, puis on est remontés vers la route. Et c’est au moment où on allait l’atteindre qu’une ombre a surgi devant nous. Un choc s’est produit. Le chauffeur a pilé, poussant un juron, j’ai crié, d’un seul coup j’avais envisagé le pire.

« Et merde ! J’aurais dû vous prévenir ! C’est l’idiot du village !

– Je sais. Samuel. Je l’ai touché, c’est sûr. »

Il avait bondi hors du tacot, je ne l’ai rejoint que de longues secondes plus tard, plantant une de mes cannes dans une chose molle que j’ai envoyée valdinguer dans la nature. Il était penché sur un corps étendu le long du chemin. Samuel était nu-tête, j’ai compris que l’objet en question c’était sa chapka, Il respire, a fait le chauffeur, mais il est pâle, il faudrait un médecin, je vais appeler. Je lui ai proposé de téléphoner de la maison, J’ai ma radio, il a dit, restez près de lui, C’est con, j’ai fait, on peut même pas le déplacer, encore moins le transporter, Non, vaut mieux pas, il a dit, mais j’ai une couverture imperméable dans le coffre, essayez de lui bricoler un genre de tente, et vous, prenez ce parapluie. OK, j’ai fait. J’ai trouvé la couvrante, ramassé et essoré la chapka et avec mes cannes comme piquets j’ai monté la guitoune, Ça va, Samuel ?

Il est sourd-muet, a crié le chauffeur assis dans son tacot et attendant la communication. Enfin il a pu parler à son correspondant. Je n’entendais pas tout ce qu’il disait, mais j’ai compris que les secours seraient là dans un quart d’heure. L’espoir renaissait. Et la pluie avait cessé. Tant mieux, parce que la tente improvisée se remplissait d’eau telle une poche que j’avais déjà dû vider deux fois.

« Finalement j’ai appelé les pompiers », a fait le chauffeur en revenant.

« Les pompiers de Brive ?

– Ben oui, pas ceux de Perpignan. »

Il s’était agenouillé près de Samuel, moi je me tenais comme je pouvais, accroupi avec une jambe tendue, c’est vrai que l’idiot était pâle, livide même sous sa chapka, à tel point que par contraste son regard paraissait presque vivant. Mais le pire, il ne souriait plus, et ça lui donnait une expression d’une gravité, d’une tristesse extraordinaires, celle d’un visage et non plus d’un masque, il s’était humanisé dans la souffrance, sans peut-être qu’il eût mal physiquement à ce moment-là, on n’en savait rien, avec un peu de chance il avait juste été bousculé, effrayé aussi, il eût fallu pouvoir l’interroger.

« Et vous, monsieur, ça va aller ? Vous avez un train à prendre, je crois.

– C’est bon, j’ai de la marge.

– C’est mieux que de la marche, dans votre état. Mais dites donc... »

J’ai senti venir le truc.

« Vous ne seriez pas le jeune homme dont on parle dans le journal ? Le jeune homme de l’incendie ?

– C’est possible, en effet.

– Attendez. »

Il est allé chercher dans son taxi le dernier numéro d’un canard local et me l’a ouvert à la bonne page.

J’y étais traité en héros. J’ai déjà cité ce titre flatteur soulignant mon handicap donc mon mérite. Aucune allusion en revanche à l’affaire de la Mercedes.

« Je peux ? » j’ai fait après avoir lu l’article. Le type a semblé étonné, mais m’a laissé parcourir le reste du journal. J’y cherchais ma bobine et l’appel à témoin que vous savez. Rien. Apparemment ces joyaux avaient été réservés à la presse nationale.

Je n’avais pas encore vu la une.

Oh putain !

Elle était à moitié occupée par une photo du carambolage de la station-service. Le spectacle était saisissant, mais sans doute pas apocalyptique, quoi qu’en dît la légende. Les crabes au ventre, je me suis arraché à la contemplation de mon œuvre pour dévorer l’article, qui se poursuivait en pages intérieures et se consacrait essentiellement à l’accident lui-même et à ses conséquences. Des causes, il était à peine question. On parlait d’un chauffard qui avait pris la fuite ; il conduisait une puissante voiture, l’avait abandonnée dans un champ ; il était activement recherché. Aucun cliché montrant Caroline enlisée. Ça aurait pourtant eu de la gueule, même en noir et blanc.

Ce laconisme ne pouvait signifier qu’une chose : l’ambassade était intervenue pour étouffer l’affaire. Il n’était toutefois pas impossible que des témoins ou la rumeur relient l’accident au fameux avis de recherche. Mon chauffeur de la veille – d’accord ? – m’avait bel et bien parlé d’un diplomate bourré.

Retourné près de Samuel, celui du moment lui avait pris les mains, les lui tapotait doucement, en souriant. Le blessé ne réagissait pas, et soudain il a fermé les yeux. On aurait vraiment cru à un cadavre, le chauffeur a dû avoir la même impression, il a poussé une espèce de gémissement. « Samuel ! » il a crié, ce qui ne servait pas à grand-chose. Puis il s’est ressaisi. « Non, ça va, le pouls est toujours là. Mais qu’est-ce qu’ils foutent les pompiers ?

– C’est con », j’ai dit.

Entendez par là que je me tenais pour responsable de ce nouvel accident. J’y voyais comme la conséquence de mes pensées négatives. Un innocent payait pour ma méchanceté. Le message était clair : Norbert, arrête de causer le malheur autour de toi. En même temps, je ne pouvais pas partir sans être fixé sur l’état de Samuel ni m’être entretenu de tout ça avec Jeanne.

Et juste comme je pensais à elle, le soleil est réapparu. Mine de rien, ça faisait un bail qu’on ne l’avait pas vu celui-là. Ben où t’étais passé ? Le problème, sous cette soudaine et blonde lumière les traits de Samuel avaient pris un aspect cireux des plus effrayants. Et il gardait les yeux fermés. Le chauffeur, fatigué de lui tâter le pouls, s’était fait un oreiller de sa poitrine, visiblement soulagé non seulement d’entendre les battements de son cœur mais aussi de sentir icelle se soulever à intervalles réguliers.

Enfin les pompiers se sont pointés, dans un véhicule de premiers secours.

« Tiens ! mais c’est notre pyromane », a lancé le chef tandis que les autres s’affairaient autour de l’infortuné. « Je plaisante, jeune homme.

– Je m’en doute », j’ai fait. « Encore merci pour hier. Mais la couverture, désolé, je l’ai plus.

– Vous l’avez oubliée chez les Maillard ? Ne vous inquiétez pas, on en a quelques-unes. Ils nous la rapporteront à l’occasion. Je vous croyais en convalescence chez eux, pas chez Jeanne Roumégoux. La place est bonne aussi, remarquez. »

Impossible de déceler la moindre malice dans son regard clair et franc. Sinon, je lui eusse volé dans les plumes. Du moins en imagination. Je voudrais vous y voir, avec une seule jambe et sans ailes.

« Il va s’en sortir, Samuel ?

– Oh ! il est coutumier du fait. Il aime bien jouer avec les voitures. Pas sur la route, il doit sentir que c’est trop dangereux, mais sur les petits chemins. Les gens du pays sont au courant, ils font attention. Avec la pluie, votre chauffeur n’y a plus pensé.

– Ça a l’air grave, quand même.

– Bah ! il est solide. On l’emmène à l’hôpital. Et vous, ça va ?

– En pleine forme. »

Samuel était déjà dans l’ambulance. Il n’avait pas rouvert les yeux. Le convoi a démarré, nous seconds. Mon pied, mon genou, toute ma jambe me faisaient plus mal que jamais.

 

(À suivre.)

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Épilogue

 

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