Joue-moi encore, 4

Publié le par Louis Racine

Joue-moi encore, 4

 

Je ne sais pas ce que vous auriez pensé ou fait à ma place, moi, le premier moment de stupeur passé, je suis monté me rendre compte. Pas dans notre immeuble, dans celui d’en face, où il s’était passé tant de choses curieuses ces derniers temps, si vous ne voyez pas c’est que vous n’avez pas lu mes Pigeons. Je voulais vérifier que personne n’était resté là-haut à espionner Derambure, une manière comme une autre de m’occuper utilement en attendant que mes facultés intellectuelles me reviennent, et je vous garantis qu’elles avaient de la route. Il a aussi fallu que je laisse mes yeux s’accoutumer à l’obscurité, mais bientôt, avec tous ces volets ouverts et ces portes béantes laissant passer l’éclairage public, j’ai pu atteindre le probable poste d’observation des poulets. L’endroit était désert, sans aucune trace d’occupation récente. Plus ça allait, plus je doutais qu’ils eussent effectué une surveillance digne de ce nom. Je leur en voulais d’autant plus.

Puis j’ai compris.

Cette lumière chez Derambure, c’était eux. Ils avaient fouillé son appartement en son absence.

Puis de nouveau j’ai douté. En pire.

Il était bel et bien chez lui, ils lui avaient rendu une visite amicale, il avait éteint à leur départ. Tous ces gens étaient de mèche et le commissaire nous menait en bateau.

Je contemplais, en face de moi, les fenêtres obscures de notre non moins sombre ni mystérieux adversaire. L’imaginant en train de m’observer lui aussi. Instinctivement, j’ai reculé d’un pas, alors que j’étais loin de la zone critique.

Je n’avais plus qu’à regagner mon lit.

Je suis redescendu. À chaque marche je flippais un peu plus, soit que je me souvinsse de mes terreurs de naguère – et qu’elles fussent désormais infondées ne les empêchait pas d’en rameuter de nouvelles –, soit qu’il me semblât m’abîmer stufenweise, comme aurait dit Klostermann, dans la morosité. Je crois même, déséquilibré par un degré branlant, avoir crié Jules ! avant que la rampe par miracle se faufile sous ma paume. Bon, j’ai traversé la rue en courant, quatre à quatre grimpé notre escalier jusqu’au palier du deuxième.

Là, j’ai craqué. À l’origine je devais franchir bravement l’obstacle, qui n’en était un que dans l’hypothèse où Derambure eût été chez lui. Mais, arrivé devant sa porte, j’ai senti mes genoux se dérober. Je me suis retenu de justesse à la rampe. Fasciné, je ne pouvais détacher mes yeux du nom inscrit à côté de la sonnette. Et, alors que je savais pertinemment que c’était une grosse connerie, j’ai pressé le bouton.

Aussitôt quelque chose a remué dans l’appartement en produisant un bruit caractéristique, celui de draps que l’on tend avant de les plier, aucun rapport avec une quelconque sonnerie. Je me suis rappelé : la précédente locataire, la vieille et sourde mademoiselle Caulataille, s’était confectionné une sonnette visuelle, un grand oiseau suspendu au plafond de son salon et qui battait des ailes quand on sonnait. Derambure avait donc conservé le dispositif. À part ça pas de réaction. J’ai recommencé, recommencé encore. Dans le silence de la cage d’escalier ce vol invisible, lourd et stationnaire, encagé lui aussi, exerçait sur moi une forme particulièrement efficace d’enchantement. Je tâchais de rester vigilant, ayant pris soin, dès le début, de m’écarter du battant et du judas qui en perçait le panneau supérieur. Je tendais l’oreille au moindre signe d’une présence humaine dans l’appartement, mais rien, rien que ce vol factice et pourtant si obsédant. Vingt fois peut-être j’ai actionné le mécanisme, et j’allais sombrer dans une stérile léthargie quand une secousse mentale m’a redressé.

Oh putain !

Ce que les flics venaient de faire, perquisitionner discrétos chez Derambure, on aurait pu le faire aussi, nous autres, du moins avec l’aide de Jules et de son passe. Tous deux désormais devenus inaccessibles. Pourquoi avions-nous tardé ? De quoi nous avait servi notre prudence ? Et de son côté, Derambure n’avait-il pu se procurer un nouveau passe ? N’était-il pas capable de s’introduire chez nous à tout moment ? La matouze était plus souvent à la maison depuis quelque temps, mais qu’est-ce que ça changeait ? Est-ce que je n’allais pas en rentrant le trouver installé dans notre canapé, le sourire aux lèvres et le flingue à la main, ma mère et ma sœur ligotées dans un coin ou pire ?

Maintenant complètement réveillé et révolté, je me suis rué sur notre porte et l’ai ouverte avec détermination. Pas étonnant que la minute d’après, tandis que je constatais que tout paraissait normal dans l’appart’, ma mère ait surgi du couloir comme une furie. Je vous fais grâce – du moins pour l’instant – du dialogue plutôt vif qui a suivi, et qui s’est prolongé dans la cuisine fermée. À l’aube, Annette nous a trouvés joutant encore, mais au ralenti, comme deux boxeurs exténués. Ma mère l’a embrassée en se félicitant à haute voix de l’avoir, elle, et s’est transportée jusqu’à son lit, tandis qu’après un dernier échange d’amabilités j’expédiais une vague toilette, attrapais mes affaires et sans même prendre la peine de claquer la porte, la situation étant assez tendue comme ça, partais censément pour le bahut.

Mon but, vous l’auriez parié, était tout autre. J’avais certes hâte de revoir Géraldine, et le commissaire ne manquerait pas de me sermonner, s’il ne me faisait pas transférer en fourgon cellulaire au lycée, mais en séchant les cours pour lui parler en tête à tête je prouverais au moins la vigueur et la sincérité de mes sentiments. C’est encore dans cette intention que je n’ai pas préparé mon speech, comptant sur mon sens de l’improvisation et sur les vertus de cette merveilleuse pratique.

Cependant improviser dans ces conditions, c’était aussi m’éloigner de Paula. Jusqu’alors, depuis l’affaire Rondeau, je l’avais toujours consultée avant d’entreprendre quelque démarche que ce fût auprès du commissaire, pour la bonne et simple raison qu’elle m’avait été d’un secours inestimable à un moment où je m’étais mis en grand danger en me débrouillant comme un manche. Honnêtement, je ne pouvais pas minimiser ma dette envers cette fille, et tout en écrivant ces mots je sens l’émotion me gagner. Paula ! De notre temps on ne parlait pas de belles personnes, mais tu en étais une, c’est certain. Bref, bref, j’avais du mal à chasser Paula de mon esprit en entrant dans le commissariat, j’ai cependant réussi à formuler ma requête, et on m’a répondu que le commissaire était absent pour la journée. J’ai insisté, plus ou moins adroitement, et devant l’air soupçonneux du planton j’ai décidé de battre en retraite avant qu’il ne me demande ma carte d’identité ou mon carnet de correspondance.

Une fois dans la rue, il m’a bien fallu me trouver une destination. J’aurais pu aller en cours, c’est vrai, justifier un retard d’une heure ne me posait pas de problème, je savais comment amadouer la strass et quelle mine arborer en me glissant dans la salle de classe sous le regard désabusé de Graindorge. Mais après ? Jamais je ne serais arrivé à me concentrer sur autre chose que les sujets qui vous importent à vous aussi. Mieux valait pour ça m’installer dans certain troquet du quartier latin où tôt ou tard j’aurais le plaisir de voir débarquer les copains. Quant à Géraldine, j’attendrais qu’elle rentre chez elle à la fin de la journée et je me posterais quelque part sur son chemin.

J’ai donc pris le métro, ligne 5, une de mes préférées parce qu’en partie aérienne, je changerais à Austerlitz, mon moral lui aussi remontait vers la lumière, et une pensée m’est venue que j’ai été si étonné de ne pas avoir eue plus tôt que je l’ai saluée d’une exclamation qui a fait sursauter les voyageurs autour de moi.

Quand j’avais vu décamper les flics après leur probable perquisition chez Derambure, mon plus cher désir avait été de les suivre. Sans raison précise, juste pour en savoir davantage sur ces salopards dont j’étais persuadé qu’ils n’étaient pas pour rien dans la mort de Jules. Seulement j’allais à pinces. Je soupçonnais bien la matouze d’avoir conçu le projet de me payer des cours de conduite en guise de cadeau si j’avais mon bac, mais tout ça se situait du côté d’un horizon assez flou. En revanche elle n’avait jamais voulu entendre parler de deux-roues s’agissant d’un moyen de transport pour son fils préféré, si je cherchais à la foutre en rogne il me suffisait d’évoquer la chose, j’avais cru marquer un point en lui apprenant que Douvenou s’était vu offrir un 104 à Noël, ses parents avaient d’un coup baissé dans son estime et lui avec, pour qui elle s’était pourtant mise à se ronger les sangs comme si elle n’avait pas suffisamment de soucis comme ça, bref, son fils, un deux-roues, la hantise absolue, et j’avais pris acte de cette impossibilité. Or voilà qu’elle s’effondrait comme un décor de carton-pâte – ou un rideau dans un tour de magie. Ma dispute avec ma mère n’y était pas étrangère, je ne voyais plus du tout pourquoi je ne me serais pas procuré une meule sans son accord, préservant ainsi sa tranquillité d’esprit.

Je vais maintenant vous toucher deux mots de notre échange nocturne, juste ce qu’il faut, rassurez-vous. Vous savez ce que c’est, le manque de sérénité nous fait parfois dire des horreurs, et j’avais été des plus odieux avec la matouze, lui reprochant même de passer ses journées à faire des mots croisés au lieu de chercher du boulot. Je me suis détesté pour ça, tout en m’applaudissant – faiblement mais quand même – de réussir à lui taire le triste sort de Jules tant que je n’en avais pas confirmation. Ce n’était pas gagné. À un moment elle m’a sorti : Toi, tu me caches quelque chose ; je te connais, c’est moi qui t’ai fait. Bon, j’ai avoué que je n’avais pas renoncé à enquêter sur les meurtres en série, et ça a paru satisfaire sa curiosité tout en la mettant joliment en pétard. Cependant, pour ne pas être en reste, je lui ai lancé à mon tour : Et toi, qu’est-ce que tu me caches ? Je ne pensais à rien de précis, pas même à cette autre scène qui s’était finie par une réconciliation et où j’avais eu l’impression que ma mère était sur le point de me confier un secret, mais ça a fait son petit effet, elle s’est arrêtée net, j’ai vu passer une ombre apeurée dans ses yeux, aussitôt après elle remontait au créneau, me traitant d’ingrat, etc., moi je sentais confusément qu’il valait mieux ne pas insister pour l’instant, bien décidé quand même à revenir là-dessus un jour, et voilà qu’entre Bastille et Quai de la Rapée, juste comme le métro sortait de terre, je m’avisais que les cachotteries de ma mère autorisaient en quelque sorte les miennes.

Mon plan était simple : j’allais développer mon activité de répétiteur d’allemand. Je pouvais compter sur Sophie et ses parents pour me faire de la pub. Je mettrais des annonces dans les boulangeries du quartier latin. Je demanderais cinquante balles de l’heure au lieu de quarante. Une suggestion de Rémi, qui donnait des cours de latin à un élève du collège Stanislas et lui prenait soixante balles ; bon, il était bachelier (avec mention très bien, s’il vous plaît), pas moi ; mais d’après lui il aurait pu réclamer davantage, surtout à des bourgeois. Bref, si j’arrivais à me dégoter cinq élèves je me ferais deux cent-cinquante balles par semaine, mille par mois, de quoi me payer assez vite une mob. Laquelle me permettrait de réduire mes temps de déplacement et d’augmenter mon rayon d’action donc mon chiffre d’affaires, sans plus craindre les atteintes épisodiques mais hyper-désagréables de la claustrophobie. Un cercle vertueux, quoi. En plus j’allais encore progresser en allemand, je cartonnerais au bac, avec mes points de français d’avance (non, je ne vous dirai pas combien, vous ne me croiriez pas) c’était dans la poche. Peut-être que donner des cours de chimie m’eût aidé à vaincre mes difficultés dans cette discipline horrible, mon point faible, mais là le terrain était nettement plus glissant, on a sa dignité tout de même, je me suis juré solennellement de bosser cette matière comme un fou, les maths et la physique ça irait à peu près, restaient l’histoire, que j’adorais tout en haïssant la prof, si bien que je ne foutais ce qui s’appelle rien, et l’anglais, que je parlais avec l’accent espagnol, seule circonstance où il se révélât à des oreilles moins exercées que celles de Germonprez, oui, l’aveugle, dont je ne tarderai pas à vous reparler.

Et puis, avec une bécane, je damerais le pion aux assassins de Jules. Je les poursuivrais, les démasquerais et les ferais arrêter. Et je résoudrais du même coup le mystère des meurtres en série.

Amies lectrices, amis lecteurs, daignez s’il vous plaît noter que mes divagations ont bien failli me mettre sur la voie. Mais, alors même que je me perdais dans mes rêveries, je ne voyais pas plus loin que le bout de mon nez.

Une autre source possible de revenus, c’était des cours de go, en dehors bien sûr de ceux qu’on était convenus Rémi et moi que je lui donnerais contre des cours de grec (on devait commencer le mercredi suivant au Malebranche, juste avant mes retrouvailles avec Sophie), seulement ça m’ennuyait de faire payer pour ça. D’ailleurs ma correspondance approchait, j’allais devoir replonger dans le sous-sol parisien, ce n’était pas le moment de remuer des pensées troubles, mais au contraire une excellente occasion de me réciter le début de l’Odyssée, dont je savais désormais les dix premiers vers par cœur.

Las ! ça m’a ramené à Derambure, à son étrange bouquin et à l’étude que Rémi avait accepté d’en faire dans l’espoir d’y trouver quelque indice pour notre enquête. Heureusement l’excitation compensait l’angoisse, j’ai tenu bon jusqu’à Cardinal Lemoine. Là, j’ai préféré continuer à l’air libre, mettant le cap sur les 4S et non sur les Pipos comme initialement prévu.

Vous avez l’habitude de mes pressentiments, je passerai donc rapidement sur celui qui m’a titillé les méninges tandis que je gravissais la montagne à grands pas élastiques, c’était peut-être simplement la mauvaise conscience de sécher les cours ou d’avoir eu des mots avec ma mère, bref, les 4S ne me semblaient plus une si bonne idée, mais trop tard, j’avais poussé la porte, déjà madame Henriette m’avait adressé une grimace de bienvenue, j’ai fait quelques pas dans la salle, et qui, à votre avis, occupait la banquette même où je pensais m’asseoir ?

« Ben tu sèches maintenant ?

– Miremont est absent. Je t’offre quelque chose ? »

Samba me tendait la main. En la lui serrant, j’en ai senti une autre me tordre les tripes. Je me suis assis en face de lui, à égale distance d’une tasse de café à moitié vide.

« Volontiers. Un café, alors. »

Samba était un des deux internes sénégalais d’H4, un garçon particulièrement sérieux et qui pourtant avait couché avec Sophie Trunck. Pour la petite histoire, leur coït avait eu pour cadre l’enceinte même du lycée. L’ennui, c’est que désormais, enceinte, Sophie l’était bel et bien. Or, quand elle l’avait appris, Samba et elle avaient déjà rompu. C’est triste à dire, mais leur liaison s’était d’abord révélée sans lendemain puis lourde de conséquences. Sophie n’avait pu dissimuler sa grossesse à ses parents. Manque de bol, son père était des moins compréhensifs, spécialement s’agissant des fréquentations de sa fille. Laquelle, vous le savez si vous avez suivi depuis le début le récit de mes aventures, s’était mise à me courir après, alors que je ne l’avais jamais vue (du moins le pensais-je). Je devais cette bonne fortune à Rémi, qu’elle avait entrepris le premier, et qui lui avait parlé de moi en termes si élogieux qu’elle n’avait eu de cesse de me rencontrer. Sans lui prêter l’intention de me faire porter le chapeau, vu que le lardon avait toutes chances d’être un peu coloré, je la suspectais de chercher une échappatoire et de s’intéresser moins à ma personne qu’à l’ingéniosité que Rémi avait bien voulu me supposer.

Tout ce qui se rapportait à cette fille avait le don de me déprimer. Je vous rappelle qu’elle était d’une manière ou d’une autre impliquée dans le meurtre d’Isabelle. Je me trouvais maintenant en face d’un type qui l’avait mise enceinte mais dont rien ne prouvait qu’il le sût. Attention, champ de mines. À chaque seconde je risquais de gaffer. Tandis qu’on parlait de choses et d’autres, à commencer par la condition de l’hypokhâgneux, sujet que je ne connaissais que de loin mais beaucoup mieux que la plupart des garçons de mon âge (la condition de l’hypokhâgneux sénégalais m’eût davantage intéressé, mais on attendrait que je sois plus disponible), je gambergeais à plein régime derrière le paravent de la conversation et c’est comme ça que mon inquiétude a atteint des sommets.

Piégé !

Ça m’a frappé comme une énorme baffe.

En m’apportant mon café, madame Henriette avait eu à mon endroit une de ces mimiques qui lui étaient propres, apte à traduire un riche complexe de sentiments variés voire antagonistes, ça m’a rappelé l’époque où je cherchais à identifier la mystérieuse fille blonde qui demandait un peu partout après moi, donc Sophie Trunck, et en faisant le point sur les connaissances acquises depuis à son sujet je me suis rendu compte que mon unique informateur était Rémi, si j’exceptais Placide, qui vraisemblablement puisait à la même source.

J’aimais beaucoup Rémi, et il m’avait prouvé sa fidélité après la trahison de Clémentine. Mais s’il s’était trompé ? Si Sophie Trunck avait eu un autre amant ? Si sa grossesse était plus récente ? Si cette fille que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam avait décidé de me créer des ennuis ? En m’accusant d’être le père de son enfant ? Me serait-il si facile de me défendre ? Ne trouverait-elle pas quantité de gens pour témoigner que je donnais l’impression de la fuir ? Quant à renvoyer les investigateurs vers Samba, je m’en sentais totalement incapable, pour des tas de raisons, dont celle-ci, que je commençais à douter de Rémi. N’était-il pas responsable de ce qui m’arrivait ? Ça ne l’empêchait pas, pendant ce temps, d’écouter sagement sa messe, comme Paula dans un autre glorieux sanctuaire. Tout le monde ne peut pas avoir Miremont en français. Et les condisciples de Samba, au fait, où étaient-ils ? Pourquoi ne l’avaient-ils pas accompagné aux 4S, lui qui y allait si rarement ? Je ne me rappelais pas l’avoir jamais vu jouer au flipper, à la différence d’Alassane. Où était passée la bande ?

Clémentine en faisait partie, la traîtresse ! Penser à elle n’a guère contribué à m’apaiser, et la solitude de Samba m’a paru soudain refléter la mienne. J’avais tellement mal au ventre que je me tortillais sur ma chaise. Il s’en est aperçu.

« Tu as besoin d’aller aux toilettes ? »

J’ai acquiescé d’un hochement de tête en essayant de sourire et j’ai gagné les chiottes de la démarche la plus naturelle possible. À peine dans la place, j’ai dû résister de toutes mes forces au ressort qui prétendait m’en expulser, et, bravement, j’ai verrouillé la porte. Je savais que c’était une connerie. Des crises de claustrophobie, j’en ai rarement au petit coin, mais là apparemment les conditions étaient réunies pour que je m’en tape une magistrale, je me suis vu dans la glace, la sueur affluant à mon visage livide, oh putain ! je me suis cramponné au lavabo et j’ai fermé les yeux. Je suis resté comme ça un moment, les boyaux toujours en scoubidou, puis la lumière s’est éteinte, merci la minuterie, le peu de clarté qui franchissait mes paupières s’est d’un coup changé en encre, j’ai été pris de panique, en voulant rallumer j’ai perdu l’équilibre et je me suis écroulé, ma tête heurtant au passage le bord du lavabo.

 

(À suivre.)

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Épilogue

 

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