Tais-toi quand tu parles, 10

Publié le par Louis Racine

Tais-toi quand tu parles, 10

 

La question godasses réglée, restait le problème de la voix. J’avais adopté un ton haut perché qui s’accordait bien avec mes talons comme avec mon sexe d’emprunt mais qui, ajouté à l’amusement que me procurait la crédulité de mes cobayes, me donnait envie de rire et risquait à tout moment de me faire perdre mon sérieux. Indépendamment de ce danger, j’avais à deux ou trois reprises dérapé dans le grave ou dans le suraigu, ce qui à force m’eût trahi. Je me suis donc imposé une contrainte supplémentaire. En sollicitant davantage encore mon attention, et aussi en me fournissant une sorte d’écran, elle me garantirait mieux contre ces accidents et leurs conséquences. J’ai pris l’accent allemand, exercice où je me défendais.

Je vous avais plus ou moins promis des précisions sur mes liens avec l’Allemagne. Je vous avais parlé de deux séjours et d’un grand chagrin, et livré deux prénoms féminins. Ça pourrait vous suffire, mais je voudrais en finir avec ces fantômes, du moins en ce qui concerne le présent récit. C’est l’affaire de quelques paragraphes, que vous pouvez sauter, vous n’avez pas besoin de mon autorisation pour ça, repérez-vous aux blancs typographiques.

 

 

J’étais en Troisième quand ma mère, ne sachant pas quoi faire de moi pendant le mois de juillet, vu que je boudais la Boissière, un effet de l’adolescence, joint à une autre raison, c’est que l’oncle ne s’était pas encore remis de la mort d’Irène et moi non plus, ma sœur continuait quand même à y aller, remarquez, mais pas moi, bref, ma mère, qui à l’époque travaillait dans une grosse boîte pourvue d’un comité d’entreprise actif et puissant, ce qui n’a pas empêché ces messieurs du syndicat de la lâcher quand elle a eu besoin d’eux, bref, bref, la matouze m’avait inscrit à un programme d’échanges linguistiques avec l’Allemagne, je faisais allemand première langue, et j’ai passé comme ça près d’un mois dans un bled de la Forêt-Noire. L’année suivante, même chose en Bavière, au sud de Munich, près de la frontière autrichienne.

Curieusement, on parlait bien d’échanges, et l’organisme en question, je cite volontiers son nom, n’ayant vraiment rien à lui reprocher, s’appelait le Centre d’Échanges Internationaux, mais nous n’étions pas tenus de recevoir nos correspondants en retour. Tant mieux. Je ne sais pas comment nous aurions fait, nous autres, même avec l’indemnité prévue.

J’ai été très bien accueilli les deux fois, et j’ai appris plein d’allemand, je n’ai jamais eu de problème avec cette langue, ses sonorités ne m’ont jamais gêné, au contraire, ce n’est peut-être pas ma préférée, celle qui charme le plus mes oreilles, celle-là c’est le suédois, oui, on verra ça plus tard, mais franchement l’allemand c’était mon truc et ça l’est resté, la prononciation surtout, le vocabulaire, et certaines expressions idiomatiques, ou dialectales, ou régionales, avec un faible pour le bavarois. Ça surprenait beaucoup les touristes teutons à Barcelone (si vous me permettez cette anticipation, qui est en même temps un rappel), ils avaient du mal à me croire quand je leur disais que je n’étais pas un de leurs compatriotes en exil – et cependant mes erreurs de grammaire ne pouvaient leur laisser aucun doute à ce sujet. Je leur apparaissais comme une anomalie, une espèce de monstre.

Les grandes vacances des deux pays étant décalées, on allait en classe avec nos correspondants, on avait aussi des cours spécifiques, tout ça bien pensé et sympa. Le plus incroyable, c’est que moi qui n’ai jamais aimé l’école, qui m’y suis toujours senti à l’étroit, coincé, pris au piège, dans ce cadre-là au contraire je m’épanouissais. Les cours ne duraient que quarante-cinq minutes, à dix heures on avait une pause où on bouffait comme des chancres, et l’après-midi on était libres.

Qu’est-ce qui s’est passé de si grave alors ?

La première année, j’étais dans une famille modèle, aisée de surcroît, et je l’ai vécu comme une épreuve terrible. Je partageais la chambre du seul garçon, plus jeune que moi, même compte tenu de mon âge véritable, que j’ignorais à l’époque. Il avait trois sœurs, une grande, ma correspondante en titre, qui n’en avait rien à cirer de moi, à peine plus âgée officiellement donc beaucoup plus mûre, une toute petite, un bébé accaparant les attentions, et entre les deux une certaine Brigitte, que certainement j’intéressais et que je n’aurais peut-être pas fuie aussi frénétiquement si elle n’avait ressemblé de manière frappante à cette amie dont je ne pourrai pas vous révéler le nom et qui était morte dans mes bras trois ans auparavant. Quelle chance que Brigitte n’ait pas été désignée comme ma correspondante ! Je guettais avec impatience les occasions de m’échapper, assistant en auditeur libre à d’autres cours, fréquentant assidûment les séances supplémentaires et facultatives de conversation et bénissant les organisateurs de toutes ces sorties qu’ils nous avaient concoctées. Mais jour et nuit, à chaque seconde, je pensais à Brigitte et à la disparue dont elle avait repris les traits, et je dépérissais, malgré les bons soins dont on m’entourait. Mes hôtes ont fini par attribuer ma mélancolie à la distance que me marquait ouvertement leur fille aînée, à qui je n’en voulais pas le moins du monde pour cela, et il a fallu que je supporte par-dessus le marché le spectacle de réprimandes paternelles d’une violence dont l’auteur paraissait plus étonné encore que sa victime.

À part ça très bon milieu, musique en famille le week-end ou certains soirs, la mère au piano, le père au violoncelle, les enfants au violon, à la flûte, à la clarinette, tous au chant, et moi n’y connaissant rien mais y prenant un vague plaisir, surtout quand j’étais invité à joindre ma voix aux leurs. C’est de ce séjour aussi que datent mes débuts à la guitare, mais l’énormité de la tâche et l’éloignement du but m’ont vite découragé.

L’été d’après, à la fin de ma Seconde, une année difficile, celle des ennuis de la matouze, j’ai débarqué dans une petite ville du sud de la Bavière, au bord d’un lac. Même organisation, même bénéfice pour ce qui est de l’apprentissage de la langue, même plaisir d’aller en cours, avec en prime un paysage magnifique et la découverte de la bière, et pas n’importe laquelle, le lycée jouxtant une brasserie au sens propre du terme, assortie d’une taverne hospitalière. Hélas ! Je n’étais plus le même. En un an, pour diverses raisons, je m’étais révélé un tout autre Norbert, beaucoup moins timide que le précédent, et, enhardi par une certaine émulation, je me suis mis en tête de quitter avant ce charmant séjour ma condition de puceau, ce qui, je le précise, équivalait à coucher avec une fille, et de préférence une fille du cru – loi de l’offre et de l’Allemande.

Je m’entendais bien avec mon correspondant, mais il était fils unique, aussi me suis-je rabattu sur les correspondantes de mes copains. Vous aurez noté au passage que les appariements pouvaient être mixtes. Cela dit, j’ai l’impression qu’il y avait plus de Français à correspondante allemande que de Françaises à correspondant allemand. On s’en fout ? D’accord. Or un de mes compatriotes, avec qui je m’étais lié pendant le voyage, était tombé, le veinard, c’est ainsi du moins que j’en jugeais, sur – et chez – une petite mignonne à se damner, en réalité une fille très ordinaire et par ailleurs complètement tarte. Au bout d’une semaine ils sortaient ensemble. J’en ai conçu une jalousie dévorante dont j’ai fini par m’ouvrir à mon propre correspondant et qu’il a jugée incompréhensible. Je me suis senti désavoué, humilié sur deux fronts. Cette fille cependant avait une bonne copine, franchement moins jolie mais libre, il a paru naturel que les deux amies continuent à se voir même en présence de l’heureux élu, j’ai fait le quatrième, et de fil en aiguille je suis devenu l’amant de la copine, qui s’appelait Barbara.

Vous êtes toujours là ? Vous pouvez encore sauter le reste du passage, personnellement ça m’arrangerait car de ce qui va venir je ne suis pas fier, ou le reste tout court, car de la suite pas beaucoup plus.

Barbara était affligée d’un visage ingrat, mais son corps exerçait sur mes sens novices une réelle fascination, à la différence de celui de son amie. Je m’employais donc en temps utile à substituer mentalement le minois de celle-ci à la trogne de celle-là, et tout allait bien, trop bien même. Barbara devançait tous mes désirs, avec une placidité dans laquelle je peinais à ne pas voir de la résignation. Pourtant, c’est bien elle qui avait fait le premier pas, en s’asseyant sur mes genoux (comme on dit) lors d’une sortie en car où nous nous étions installés tous les quatre au fond, sur deux places seulement, elle snobant son correspondant de toute façon occupé ailleurs, moi le mien, écœuré par la médiocrité de mes ambitions. Elle pouvait donc se montrer entreprenante. Mais, dès ce moment, elle m’a toujours donné l’impression de se mettre en quelque sorte à mon service, et je dois dire qu’elle m’a tout donné, qu’elle m’a tout fait sans que je lui demande rien. Est-ce cet excès de facilité ? Je m’en suis vite lassé, au point de me désintéresser du sexe et de ne plus pouvoir supporter le spectacle d’une minijupe plissée, de cuisses poudrées de duvet blond surmontant de hautes chaussettes jusqu’à ma rencontre avec la Sophie du Malebranche, qui, elle, très clairement, cherchait à éprouver ma résistance à ses séductions. Au point aussi de ne garder de mon dépucelage, pour exhaustif et appliqué qu’il fût, aucun souvenir vraiment agréable. 

Je vous entends : et le gros chagrin ?

J’y viens.

J’ai pris mes distances avec Barbara, ainsi d’ailleurs qu’avec les tourtereaux (dont le couple en revanche était suffisamment solide pour que trois ans plus tard, donc après ma fugue à Brive, bravo, j’aie la triple surprise de les revoir ensemble, et mariés), et je me suis rapproché de mon correspondant, habitué à la solitude mais heureux de la partager.

Ce que je n’avais pas soupçonné, c’est que Barbara était amoureuse de moi. Pendant toute la fin de mon séjour, elle a tenté de me convaincre et feint de croire elle-même que nous pouvions rester bons amis, et elle a en effet obtenu que nous nous rencontrions de temps en temps pour parler de choses et d’autres. J’ai découvert alors une Barbara toute différente, à laquelle je me suis davantage attaché, malgré les doutes et les regards navrés de mon correspondant. Nous avons eu de vrais échanges, et je commençais à la trouver moins moche quand la fin du séjour est arrivée, avec sa petite fête.

Ce soir-là, comme tout le monde, j’ai bu, mais l’ivresse m’a rendu odieux, j’ai dit sur Barbara des choses horribles, qu’elle a entendues, et que je n’ai pas pu rattraper. Pendant le voyage du retour, on a appris qu’elle avait fait une tentative de suicide. Hélas ! ces choses-là parfois réussissent. Je ne saurai jamais si elle voulait vraiment mourir ou si elle a joué de malchance.

Voilà le poids que je me trimballais et me trimballe encore, ô vous qui avez continué de me lire. Oserai-je vous ramener sans autre forme de prévenance dans ce salon de thé de Brive où j’entre à présent, promenant autour de moi un regard de dame sûre d’elle ?

 

 

Je me suis installé dans un angle, évidemment, mais près de la vitrine, de manière à voir aussi bien la rue que l’intérieur. Je disposais d’une heure environ avant de rejoindre Jean.

Bien que la clientèle fût exclusivement féminine, on s’empiffrait à certaines tables comme des garçons de quinze ans, qui toutefois par chez nous boivent rarement du thé. C’est la boisson que j’avais choisie, et, ne voyant aucune raison de me priver, j’avais pris un assortiment de gâteaux le plus large et varié possible. À supposer que j’en eusse conçu quelque honte, elle se serait évaporée devant les montagnes qu’aplanissaient sans sourciller mes voisines. Le silence qui régnait dans la salle, et que troublaient à peine des conversations clairsemées et discontinues, témoignait d’un esprit de sérieux entièrement voué à l’accomplissement d’une besogne requérant une concentration sans faille.

Je venais d’engloutir une succulente barquette aux marrons et m’apprêtais à tâter d’un somptueux paris-brest quand je me suis heurté à un obstacle inattendu, surgi sans crier gare au fond de mon gosier. Brusquement, il ne m’a plus été possible de rien avaler. J’en ai même eu une espèce de spasme, que j’ai maquillé en éternuement en portant d’un geste réflexe ma serviette à ma bouche. Devant moi, le gâteau retombé sur mon assiette semblait me reprocher mon sans-gêne, ses copains moquer, le moka en tête, mon manque de savoir-vivre. 

Ce genre de chose m’arrivait de temps en temps, et tout récemment encore dans la voiture de Jules, c’était lié à l’angoisse et d’une certaine façon prévisible, sauf que devant toutes ces bonnes choses je ne voyais pas ce qui avait pu déclencher la crise, et qu’elle me paraissait plus grave et plus durable que d’habitude. Je me suis épuisé en vaines tentatives pour me calmer, pour me raisonner, des larmes purement mécaniques m’étaient montées aux yeux et j’ai fouillé mon sac à main à la recherche du miroir de poche sans lequel tout à l’heure je n’eusse pu me maquiller dans une cabine des toilettes de la gare (je n’allais pas faire ça planté devant les lavabos au risque d’être observé de femmes forcément perspicaces), bon, les dégâts restaient limités, ce qui m’inquiétait davantage c’était ce sentiment d’avoir un corps étranger dans la gorge, et qui descendait peu à peu, la peur de m’étouffer sitôt que laborieusement j’avalais ma salive.

Le sentiment que j’allais crever. Par manque de savoir-vivre ?

Je me suis levé, calculant mes gestes avec plus de soin encore qu’à mon arrivée, comme j’avais déjà payé je pouvais gagner la rue en une seule étape, j’ai de nouveau contrefait l’accent allemand, ça, ça fonctionnait bien, ça m’a redonné la pichenette opportune, une fois sur le trottoir je respirais mieux, flageolant quand même sur mes jambes, j’avais toujours cette balle de flipper dans la trachée ou dans l’œsophage, difficile à déterminer, en même temps si je parvenais à respirer et à avaler, même mal, c’est que les deux voies étaient suffisamment libres, j’ai regardé ma montre, oui, j’avais maintenant une montre, et très jolie, j’adorais son petit cadran rectangulaire et la finesse de son bracelet, il n’était que seize heures trente et soudain j’ai compris.

Heureusement il y avait là un banc où j’ai pu me laisser tomber sans trop de dommage pour ma poitrine postiche. J’ai tout remis en place, les idées comme le reste, quoique avec davantage de discrétion, et j’ai contemplé mentalement cette vérité qui après m’avoir assommé me massait doucement le périnée (désolé, c’est là qu’en présence réelle ou imaginaire de certaines formes de malheur se produisent chez moi des contractions involontaires).

C’est bien sûr le souvenir de Barbara qui m’avait rattrapé, profitant de cette fine idée que j’avais eue de jouer les germanophones. Il était donc grand temps de vous offrir ce flash-back. En me libérant. Même si vous parler de tout ça aujourd’hui n’est pas dénué d’effets secondaires, ils se sont beaucoup atténués, ou j’ai apprivoisé la bête, qui ne me mord plus aussi cruellement.

J’avais toujours du mal à avaler, mais au moins je savais pourquoi. J’ai jugé à propos de faire preuve de bonne volonté, si par exemple j’avais le courage d’appeler la matouze je me tirerais une fière chandelle du pied, et si je devais effectivement y passer il vaudrait mieux ne pas avoir gardé ça en travers de la gorge.

D’ailleurs, comme par hasard, j’étais juste en face de la poste.

La guichetière à qui j’avais eu affaire le matin ne s’occupait pas du téléphone, je ne pourrais donc pas tester sur elle mon incognito, pas plus que lui adresser de loin un petit signe de la main, je me contentais de la surveiller du coin de l’œil, toujours d’aussi bonne humeur, aussi aimable avec tout le monde, il y a des gens qui sont de vrais miracles, j’ai gardé l’accent allemand pour demander Clichy, cabine numéro tant, il ne me restait plus que quelques mètres et à peine plus de secondes pour me préparer, pas question de reculer, il y allait de mon proche avenir.

Ma mère a décroché aussitôt. À croire qu’elle campait dans l’entrée.

« C’est super que tu sois au chômage, j’ai fait, on est sûr de te trouver à la maison. Au fait, tes recherches, ça avance ? »

Je reconnais qu’il y avait plus adroit comme préambule, mais j’avais mis dans le ton toute la bienveillance possible.

« Tu te fous carrément de ma gueule, en plus ? »

Pour qu’elle emploie ce langage, il fallait qu’elle fût sacrément en colère.

« Jules ! C’est lui !

– Bon, t’es pas toute seule. Et René ?

– Et ta sœur ? »

Elle n’avait vraiment pas envie de rire, et moi non plus, mais j’ai dû pouffer par réflexe, et elle l’a extrêmement mal pris. De sorte qu’il m’est impossible de vous rapporter la suite de notre conversation, trop chaotique.

On va faire un truc. Vous allez rester à l’extérieur de la cabine (insonorisée) pour vous régaler du spectacle de cette dame élégante (enfin, je crois – on essaye, comme disent les restaurateurs) perdant toute contenance et toute mesure, piaffant, pestant, crachant et pour finir jaillissant de sa boîte comme une furie, puis, instantanément, se calmant, lissant sa robe, rajustant les boucles de sa chevelure, souriant à la cantonade et disant dans le texte quelques vers de Detlev von Liliencron qui n’avaient aucun rapport avec la choucroute mais qui m’étaient revenus comme ça.

Ce coup de fil n’avait sans doute pas arrangé mes affaires, sauf au plan somatique : ma boule dans la gorge avait presque entièrement fondu, et je m’efforçais de penser à autre chose, de peur qu’elle reprenne du volume.

Si je voulais jouer plus confortablement mon personnage, il me faudrait certains accessoires auxquels je n’avais pas pensé ou que je n’avais pas trouvés chez Jeanne, ou encore que je n’avais pu me résoudre à lui emprunter, pour ne pas la mettre dans l’embarras. Sur le chemin de l’hôtel, j’ai donc fait un peu de lèche-vitrines, jusqu’à ce que j’arrive devant un grand magasin. Quelle chance ! J’y ai passé plus de temps que nécessaire, ce qui m’a mis en retard pour mon rendez-vous, mais enfin je m’étais dégoté deux ou trois babioles qui changeaient tout, comme un mini-portemonnaie à peu près assorti à mon sac à main et qui m’évitait de tirer directement mon fric d’icelui, des collants fumée, un flacon de démaquillant, et un rouge à lèvres dont la teinte s’harmonisait mieux avec celle de ma perruque et avec mon teint. Retard pour retard, en arrivant, j’ai pris cinq minutes pour foncer aux toilettes et parfaire mon apparence, j’avais aperçu Jean au comptoir du bar, en surplomb de la salle, pas de danger qu’il s’en aille, personne ne m’a rien demandé, certains hommes auraient bien eu des questions à me poser mais ils ont jugé plus convenable de les garder pour eux, à défaut de détourner les yeux de mes supposés appas.

« Jean ? »

Il a pivoté vers moi et il a souri, d’un sourire exprimant successivement la surprise, l’intérêt et la connivence.

« Norbert ? »

Je me suis perché à côté de lui, heureux de trouver un support à mon ébahissement.

« Vous m’avez reconnu ?

– Au point où on en est, on peut se dire tu. Dis donc, heureusement que je n’ai pas eu le temps de parler de toi à Georges.

– Attention, ce n’est pas ce que vous croyez.

– Ne t’inquiète pas. Dis-moi plutôt comment je dois t’appeler. »

 

(À suivre.)

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