Le Tube, 13C/27
13C. La bouche de travers
Samedi 17 juin 1989
– Sand ?
– Oui ?
– C’est pas Maurice là-bas ?
– T’as raison, c’est lui ; putain j’y crois pas t’as vu avec qui il est ?
– Salut les frangines !
Elles ne l’avaient pas vue arriver.
– Alice à la piscine ! Faut dire...
– Quoi ?
Sandra compléta la réplique de sa sœur :
– Alice, t’es canon en maillot ! Tu vas faire craquer tous les mecs et même les nanas. Il est au courant Gilou ?
– Arrêtez c’est vous les plus mignonnes. Eh ! y a Mo ! Youhou ! Mo-o ! Putain j’y crois pas il est avec la Méduse !
– Salut les filles !
Mo s’approchait, suivi par un gros garçon d’une trentaine d’années, à la peau blanchâtre et luisante, boudiné dans un boxer orange à bande mauve.
– Merci pour Gilou ! dit Alice en l’embrassant. Tu passes à la maison tout à l’heure ?
– Pas de problème, je suis juste venu piquer une tête.
– Tu nous présentes pas ton copain ?
– C’est pas, euh... bon, les filles, voilà Frédéric.
– Salut, dit la Méduse. Vous êtes musiciennes il paraît ? Et danseuses ? C’est super qu’on se rencontre parce que j’ai un projet, Momo a dû vous en parler.
– Momo ! pouffèrent ensemble Margot et Sandra.
– Un projet de spectacle total pour le festival des Nuits Blanches...
– Blanches ! trépignèrent les deux sœurs, dont la gaieté redoubla quand elles virent palpiter les narines d’Alice ; et, pour comble d’agrément, sa belle poitrine se mit à tressauter de façon fort plaisante.
Il n’y avait plus qu’une issue possible. Le trio se précipita vers le bassin le plus proche et plongea d’un seul mouvement.
– Complètement folles, dit la Méduse.
– T’inquiète, finis plutôt ton histoire. Donc, ta cousine...
– Oui, incroyable, elle a disparu du jour au lendemain. On pense qu’elle a rejoint une secte, mais ce qui est possible aussi c’est qu’elle soit tombée dans un réseau de prostitution. T’as entendu parler des disparues de la N90 !
– Pas vraiment.
– Y a eu une émission sur TF1. Alors je me disais que par Nabil...
– Comment ça ?
– Ben c’est notoire, non ? Il est en cheville avec des proxénètes, s’il n’est pas proxénète lui-même.
– D’accord, mais je me vois mal lui demander : Vous savez ce qu’est devenue la cousine de mon copain ? Comme vous êtes dans le commerce des filles, j’ai pensé que vous pourriez me renseigner.
– Tu peux peut-être quand même tendre l’oreille un peu par ci par là, et observer ; j’ai remarqué que dans un groupe c’est le batteur le mieux placé pour regarder ce qui se passe.
– C’est pas faux. Tiens, puisque tu aimes les potins, apprends qu’hier Jean, notre pianiste, s’est carrément fait la malle après avoir reconnu une fille dans le public.
– Comment, la fille ?
– Une petite blonde, assez jolie, avec une forme de bouche particulière, surtout quand elle souriait.
– Tu te fous de moi.
– Pas du tout.
– T’as déjà vu ma cousine !
– Jamais.
– Alors comment tu sais qu’elle a la bouche de travers ?
– Attends, c’est juste une coïncidence !
– Et ton pianiste, il la connaissait la fille ?
– Apparemment.
– Il a pas dit comment elle s’appelait ?
– Je crois pas. Comment elle s’appelle ta cousine ?
– Corine.
– Ça me dit rien. Corine et Jeannot, je l’aurais noté.
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